Paris, Robert Laffont, coll. Bouquins, 2013, 896 p., 30 €

Après avoir publié un Dictionnaire Mozart (2006) puis Tout Bach (2009), la collection « Bouquins » se devait d'ajouter à son catalogue, en cette année du bicentenaire, un ouvrage de référence sur le compositeur d'Aïda. Tout comme les deux autres livres, ce Tout Verdi a été coordonné par Bertrand Dermoncourt qui a recruté onze collaborateurs, dont plusieurs sont des piliers de la revue Classica. Saluons en un premier temps l'apport important de cette parution, qui vient combler une lacune criante dans les études verdiennes en langue française. Voici enfin réunie une somme d'informations extrêmement précieuse qui permet de trouver réponse à bon nombre de questions relatives aussi bien à la vie qu'à l'œuvre, l'époque et l'interprétation du musicien. Si le dictionnaire constitue le cœur de cet ouvrage en quatre volets, il en représente moins de la moitié. En effet, le lecteur trouvera d'abord une biographie de Verdi par Sylvain Fort, une deuxième partie consacrée à l'œuvre musicale, le dictionnaire à proprement parler, puis enfin un choix de 120 lettres, dont plusieurs inédites en français, traduites, présentées et annotées par Marc Lesage. À cet ensemble quelque peu disparate, il faut ajouter un tableau des rôles verdiens ainsi qu'une superbe préface de Dominique Fernandez, dont un des principaux intérêts est de bien montrer l'ambiguïté sexuelle présente dans La Force du destin (Alvaro et Carlo) ou Don Carlos (l'Infant et Rodrigue).

La biographie de Sylvain Fort est un modèle de synthèse et d'intelligence : en 80 pages d'un style alerte, tous les principaux événements de la vie intime et artistique de Verdi prennent place, et ce, avec un art suprême de la transition. En guise de complément indispensable à cette partie biographique, il aurait toutefois été judicieux que l'éditeur inclue, en début ou en fin de livre, une chronologie et peut-être aussi un arbre généalogique.

La présentation et analyse de l'œuvre verdien comprend, outre un copieux résumé de l'intrigue et quelques éléments de discographie et de vidéographie, des points de vue éclairants et souvent originaux sur de nombreux aspects dramaturgiques ou musicaux. Les cinq auteurs qui se partagent les entrées mettent tantôt l'accent sur la partition, tantôt sur le livret et leurs résonances littéraires. Un regret : l'absence des distributions au moment de la création des opéras.

Le dictionnaire offre un panorama riche et varié des lieux, des thèmes et des êtres essentiels dans l'existence du compositeur et la diffusion de son œuvre. Librettistes, chanteurs et chefs d'orchestre s'y trouvent bien sûr à l'honneur. Il serait évidemment mesquin de relever telle ou telle omission, mais on constate néanmoins avec beaucoup d'étonnement l'absence de Claudio Abbado ou du baryton Giorgio Zancanaro... Les notices relatives aux chanteurs du début du XXe siècle reprennent les textes d'André Tubeuf du numéro spécial que L'Avant-Scène Opéra avait consacré en 1986 aux Introuvables du chant verdien1. En ce qui regarde les metteurs en scène et musicologues contemporains, avouons que l'on reste un peu sur notre faim. En contrepartie, le dictionnaire comprend des entrées substantielles sur la mise en scène, le disque, l'interprétation, les costumes et décors, le cinéma, la littérature ou le romantisme... Écrits pour la plupart d'entre eux par Jérémie Rousseau et Timothée Picard, ces articles proposent une réflexion nourrie sur des aspects fondamentaux en lien avec la création et l'interprétation verdiennes.

Classées en cinq sections, les lettres du compositeur lèvent quelques portions de voile sur son intimité et permettent d'entrer dans l'atelier de sa création. On y suit le parcours d'un homme souvent inquiet, rarement satisfait de lui ou des conditions de représentation de ses opéras. Certaines considérations pourraient inspirer chanteurs et metteurs en scène. Ainsi, Verdi souhaitait que Lady Macbeth fasse très peu de gestes dans la scène de somnambulisme, que Violetta évite de tousser au dernier acte de La traviata ou Riccardo de rire dans « È scherzo od è follia » au premier acte du Bal masqué. Oublions bien vite la bibliographie, carrément rachitique, pour vanter la qualité générale d'une publication qui, à défaut de couvrir « tout Verdi » ou de pouvoir se comparer au monumental Dictionnaire encyclopédique Wagner (Actes Sud / Cité de la Musique), représente d'ores et déjà une source incontournable pour les recherches verdiennes.

L.B.

1. (Note de l'éditeur) L'ASO ne peut que se trouver flattée de cette reprise, dont elle aurait néanmoins apprécié d'être informée en amont selon les usages de la profession...