Paris, Classiques Garnier, 2021, 535 p., 59 €

Près de dix ans après la soutenance de sa thèse consacrée à la carrière française de Donizetti, l’historienne Stella Rollet voit enfin publiée sa recherche fondatrice, qui participe de la « Donizetti Renaissance » tardivement arrivée dans l’Hexagone en lui offrant d’emblée un ouvrage de référence, tant par la somme des sources compulsées et des informations analysées que par l’agrément de leur présentation. Si ce volume n’est pas une biographie du compositeur au sens propre (le cadre temporel et géographique choisi l’en empêchant de facto), il en a pourtant les qualités croisées de précision du détail et de recul dans la perspective d’ensemble, et se hausse à une place singulière et précieuse dans la bibliographie francophone consacrée au Bergamasque. On apprécie notamment que la rigueur scientifique de sa rédaction soit constamment doublée d’une contextualisation des faits évoqués qui préserve ces pages, certes denses, de toute aridité, et offre au contraire une plongée immersive dans le Paris lyrique de la monarchie de Juillet.

Le volume s’organise en trois parties, enrichies d’annexes (ces dernières étant allégées par rapport au travail scientifique originel, on attend avec impatience la mise en ligne de leur version exhaustive, à venir sur la base de données Dezède). La première, chronologique, retrace la carrière parisienne de Donizetti, des premiers contacts établis tandis qu’il est encore en Italie aux dernières années d’agonie, en passant par l’apogée du tournant 1840. La deuxième, systémique, analyse les différents processus de cette carrière : choix de programmation (reprises, adaptations ou créations), mécanismes mis en œuvre (contrats, collaborations et droits d’auteur), réseaux (rapport aux artistes, à la critique, à la reconnaissance officielle). La troisième, plus statistique, scrute les signaux quantifiables : nombre de représentations, recettes, réception critique, présence dans la bibliographie et l’iconographie, etc. La triangulaire est complète, qui permet de comprendre l’inscription du compositeur italien dans le paysage lyrique français et dans sa mémoire. Il appartient à la musicologie de la muer en quadrangulaire, en y ajoutant une réflexion proprement esthétique sur la place de Donizetti dans l’histoire de l’opéra, l’évolution de son langage ou de sa dramaturgie. Considérations qui n’auront que plus de saveur une fois enracinées dans ce substrat historique d’une incroyable fertilité.
 

Chantal Cazaux