Paris, L'Harmattan, 2017, 306 p.

Les lecteurs de L'Avant-Scène Opéra connaissent bien la plume d'Olivier Rouvière, auteur aussi des Arts Florissants de William Christie et de Metastasio, musicien du verbe, souvent présent dans nos colonnes, notamment aux titres d'auteur, de traducteur, de discographe ou de critique musical. Cette pluralité de disciplines se retrouve dans son nouvel ouvrage, lequel a pour projet de cerner ce qui se joue de singulier dans le spectacle lyrique et dans sa perception.

Dans une forme très libre qui nous change des ouvrages structurés de façon hyper-universitaire, assumant ici le flux d'une pensée discursive plus que dialectique, l'auteur nous propose une odyssée revenant aux concepts-sources (verbe, langage, représentation, etc.) et menant tour à tour sur les rives du théâtre antique, de l'opéra baroque ou de la réforme gluckiste - on aime l'image de la vocalise comme « hypnose du vide » ! L'étude du phénomène théâtral convoque Dionysos ou Artaud, la catharsis ou la distance brechtienne, Diderot ou Stanislavski ; l'anthropologie croise la psychanalyse pour scruter le rite à l'œuvre dans la représentation, le chant comme vocation et sacrifice, et sa réception comme communion psychique. Une troisième partie plus disparate regroupe six (longues) analyses d'œuvres et/ou mythes (Macbeth, Rusalka/Ondine, Orphée, Turandot, Hoffmann et ses contes, la lignée Faust-Don Giovanni-Rake's Progress), autant d'occasions de mettre en pratique les multiples perspectives soulevées auparavant pour tenter de comprendre la mystérieuse épiphanie que constitue le moment lyrique - même si conclure sur ces analyses, rédigées préalablement au projet de l'ouvrage même, rend l'exercice un peu difficile.

On l'aura compris : c'est érudit, foisonnant et surtout personnel, de ton comme de forme, c'est-à-dire de pensée, grand panorama des grilles d'analyse et de réflexion applicables à l'art lyrique et au théâtre, mais organisé d'une façon intuitive où la connaissance se fait conte. On suivra donc volontiers le joueur de flûte... jusqu'à l'abîme « démiurgique » du dire et du non-dit qui s'ouvre avec le rideau.

C.C.