Europe n° 1051-1052 (novembre-décembre 2016), 380 p., 20 euros.

Depuis 1923 la revue littéraire mensuelle Europe consacre chacun de ses volumes à un auteur (ou un thème) spécifique, en plus de larges rubriques pérennes d'un numéro à l'autre, elles-mêmes parfois dédiées à un auteur. On trouvera donc, sur les 380 pages de cet ouvrage dense autant par son contenu que par sa présentation, 255 pages regroupant des études formant dossier sur Maurice Roche ou Gérard Macé, un Cahier de création tourné vers la poésie ou la nouvelle, des chroniques rendant comptes d'œuvres choisies parmi les récentes propositions en littérature, théâtre, cinéma, etc., et des notes de lecture concernant aussi bien des ouvrages de fiction que des essais.

Le principal dossier en tête de volume est donc, quant à lui, consacré à « l'opéra aujourd'hui » et le lecteur de L'Avant-Scène Opéra y retrouvera des plumes connues : Emmanuel Reibel, Christian Merlin ou Timothée Picard, par exemple. Sous forme d'étude de style universitaire ou bien d'entretien plus informel, il s'agit tour à tour d'interroger le genre lyrique et ses enjeux actuels et futurs, soit par des questionnements transversaux (les défis du XXIe siècle, par Emmanuel Reibel ; la mondialisation, par Hervé Lacombe ; l'opéra comme art élitiste ou populaire, par Timothée Picard), soit par des cas particuliers ouvrant sur des horizons plus larges (l'opéra en temps de crise, par Valérie Chevalier, directrice générale de l'Opéra de Montpellier ; la question du patrimoine, par Agnès Terrier, dramaturge de l'Opéra-Comique ; mettre en scène aujourd'hui un opéra du XVIIIe siècle, par Béatrice Didier ; l'équipe écrivain-compositeur, auscultée par Perrine Moran via Written on Skin du tandem Crimp/Benjamin ; le metteur en scène-auteur, par Simon Hatab étudiant le cas Tcherniakov ; la question mémorielle, par le même Simon Hatab étudiant cette fois le cas Kentridge), soit enfin par des témoignages singuliers (le journal du compositeur Philippe Fénelon au fil des répétitions de Flaubert & Voltaire ; un retour sur le parcours professionnel et intellectuel de Christian Longchamp, dramaturge ; la maïeutique de Christian Merlin, accouchant le critique d'opéra de son double nécessaire, le spectateur engagé).

Qu'il picore dans le désordre ou plonge au fil de ces pages, le lecteur trouvera donc là un panorama de réflexions et de positionnements varié et complémentaire qui mène à une conclusion proche de celle de Timothée Picard dans son magnifique et récent ouvrage Sur les traces d'un fantôme. La civilisation de l'opéra : qu'on lui prédise le pire des crépuscules, l'opéra est pourtant bien vivant et au cœur des préoccupations de notre temps.

C.C.