Johanna Stojkovic (Regina), Daniel Kirch (Richard), Detlef Roth (Stephan), Albert Pesendorfer (Simon), Ralf Simon (Kilian), Theresa Holzhauser (Beate), Jean Broekhuizen (Barbara), Peter Schöne (Wolfang). Orch. de la radio de Munich, chœur philarmonique de Prague, dir. Ulf Schirmer (live 2011).
CPO 777 710-2 (2 CD). Présentation et livret en alle./angl. Distr. DistrArt Musique.

Regina de Lortzing est un opéra dont le singulier destin n'a d'égal que l'extraordinaire richesse de sa partition. En 1848, le compositeur est chef d'orchestre au Théâtre an der Wien et a déjà donné ses principaux chefs-d'œuvre comme Tsar et Charpentier ou Le Braconnier. En écho aux mouvements révolutionnaires qui viennent d'embraser les pays germaniques, il compose cette Regina qui n'aura pas l'heur de plaire aux directeurs de théâtres en raison d'une intrigue criante d'actualité qui évoque justement la révolte d'ouvriers réclamant de meilleures conditions de travail. La création posthume eut lieu très tardivement, en 1899, à Berlin, dans une version remaniée qui transposait l'action au moment des guerres napoléoniennes. Il fallut attendre encore tout près de cent ans, soit 1998, pour que l'œuvre connaisse finalement à Gelsenkirchen sa création « authentique ».

Fort heureusement, les micros de la firme CPO étaient au Prinzregententheater de Munich lorsque l'orchestre de la radio de Munich et le chœur philarmonique de Prague, tous deux dans une forme éblouissante, ont repris l'ouvrage en version concert en janvier 2011. Le chef Ulf Schirmer galvanise ses effectifs et propose une lecture exaltante de cet opéra passionné à l'inspiration mélodique envoûtante et comprenant des finales aux vastes proportions (une vingtaine de minutes pour chacun des trois). Johanna Stojkovic est intense en Regina, jeune femme qui va jusqu'à tuer son ravisseur au dernier acte, mais la voix ne répond pas toujours à ses intentions et le style s'avère parfois presque scolaire. Dans le rôle de son amoureux Richard, le ténor Daniel Kirch déçoit en raison d'un manque de subtilité et d'aigus laborieux. C'est le méchant Stephan qui trouve en Detlef Roth le meilleur élément de la distribution. Ce baryton, qui a chanté Amfortas à Bayreuth dans le Parsifal (2008-2012) de Stefan Herheim, possède une splendide voix qui se plie admirablement aux inflexions des grandes lignes musicales de Lortzing et sait conférer une grande humanité à son personnage d'amoureux éconduit. Du reste des solistes se démarquent la basse Albert Pesendorfer, très digne dans le rôle du père éploré de Regina, et le ténor Ralf Simon, truculent dans sa chanson à boire du deuxième acte. Si nos quelques réserves quant aux chanteurs nous retiennent d'accorder la Révérence, il faut néanmoins saluer avec enthousiasme cette parution du plus haut intérêt.

L.B.