John Graham-Hall (Gustav von Aschenbach), Andrew Shore (Un voyageur, Un gondolier, le Barbier, la Voix de Dionysos), Tim Mead (la Voix d'Apollon), Solistes, Chœurs et Orchestre de l'English National Opera, dir. Edward Gardner, mise en scène : Deborah Warner (Londres, juin 2013).
DVD Opus Arte 0A1130. Distribution Distrart Musique.

Pas une surprise : on avait vu la production esthétisante de Deborah Warner lors de sa création en 2007 à l'ENO. Spectacle réglé au cordeau, magnifique, mais sans aucune portée émotionnelle. Au prologue, cette bibliothèque de Munich dévorée de mots dans l'obscurité - l'image en est médiocrement restituée par les caméras ; ensuite ce Lido très design, cette Venise parfaite sur papier glacé, le tout sans une once de direction d'acteur, soulignent plus les faiblesses de l'ouvrage - nombreuses, Britten lutta pour laisser un testament, il nous lègue au final un livre de regrets où l'ombre maudite du film de Visconti et une inspiration épuisée par la maladie se sont invitées - que ses moments de poésie, laissés, en fait, au ballet. Car le monde de Tadzio, magnifié par la chorégraphie de Kim Brandstrup et où soudain Edward Gardner enchante son orchestre avec le souvenir du gamelan, est bien la seule part de l'ouvrage qui ait inspiré ce spectacle. Si l'on ajoute que John Graham-Hall dessine un Aschenbach subtilement campé mais chanté d'une voix épuisée, qu'Andrew Shore n'inquiète jamais dans tous ses personnages, et que la battue d'Edward Gardner reste souvent bien raide dans une prise de  son sèche qui lui est parfaitement assortie, on aura compris que cette captation est dispensable, sinon pour le saisissant Apollon de Tim Mead, malgré l'enthousiasme d'un public  plus sensible que nous à ce beau livre d'images.

J.-C.H.