Ruggero Raimondi (Philippe II), José Carreras (Don Carlo), Piero Cappuccilli (Rodrigo di Posa), Matti Salminen (le Grand Inquisiteur), Mirella Freni (Élisabeth), Agnes Baltsa (Éboli), Edita Gruberova (la Voix du ciel), Marjon Lambriks (Tebaldo), Luigi Roni (Un frère), Ch. et Orch. du Wiener Staatsoper, dir. Herbert von Karajan (live, Vienne 6.V.1979).
CD Orfeo C876 133D. Distr. Harmonia Mundi.

A partir de 1977, la Staatsoper de Vienne réinvita régulièrement Herbert von Karajan, qui en avait été sept ans le directeur avant de claquer la porte en 1964. Il y dirigea la reprise de la production de Don Carlo qu'il avait mise en scène au festival de Salzbourg en 1975. Aux passionnés de Don Carlos, précisons que cette captation reprend dans les grandes lignes l'équipe de l'enregistrement de studio dirigé par Karajan en 1978, 20 ans après son premier live au festival de Salzbourg : Carreras et Freni, Cappuccilli et Raimondi, Baltsa et Gruberova - mais cette dernière dans la Voix de l'ange désormais, non plus en Tebaldo. Les changements fondamentaux sont au nombre de trois : le live, bien sûr ; le Wiener Staatsoper en lieu et place des Berliner Philharmoniker ; et le Grand Inquisiteur de Matti Salminen - qui serait capté en vidéo, sept ans plus tard, au Festival de Pâques de Salzbourg, toujours sous la baguette de Karajan.

Passées l'absence d'acte de Fontainebleau et l'accoutumance à la direction désormais un peu compassée de Karajan, ses tempi alanguis, passées aussi les coupures que le maître affectionnait et que l'on regrette toujours, voilà pourtant un plateau vocal qui emporte l'enthousiasme et que le live exalte en son meilleur. Le seul à déparer l'ensemble est le Philippe II de Ruggero Raimondi, timbre mauvais qui en fait plus un méchant de cinéma qu'un roi du Siècle d'Or espagnol : son « Dormirò sol », manquant cruellement de profondeur et même de grandeur, n'est pas ici la clé de voûte de l'ouvrage telle qu'on l'attend - telle que sa moindre fragilité peut signer la fin d'un empire autant que l'absolue solitude humaine. Mais autour de lui ! Carlo insolent de slancio et d'inflexions de Carreras ; Elisabeth veloutée et digne de Freni ; Eboli féline et ardente de Baltsa ; Posa magistral de Cappuccilli, même, qui malgré de petites nonchalances coupables déploie un legato à tomber ; Inquisiteur flippant, hululant une voix surnaturelle comme le vent par une nuit d'orage - et même le Frère remarquable de Luigi Roni, incontournable pilier de La Scala : distribution magique, à laquelle irait notre Révérence si son souverain l'était un peu plus. Mais on ne boude pas son plaisir.

C.C.