Hui He (Aida), Marco Berti (Radamès), Andrea Ulbrich (Amneris), Ambrogio Maestri (Amonasro), Francesco Ellero D'Artegna (Ramfis), Roberto Tagliavini (le Roi), Antonello Ceron (Un messager), Antonella Trevisan (la Grande Prêtresse), Chœurs et Orchestre de l'Arena di Verona, dir. Daniel Oren, mise en scène : Gianfranco De Bosio (Vérone, 2012).
DVD Opus Arte OA 1107 D. Distr. DistrArtMusique.

 

Que ne trahirait-on pas au nom d'un prétendu retour à l'origine ? Le livret de cette captation de 2012 évoque, puisqu'il s'agit alors de célébrer le centenaire de la première Aida de Vérone (l'été 1913), le Passé. Et convoque donc les mânes de Tullio Serafin et de Giovanni Zenatello, les pionniers : Serafin, le premier à avoir testé l'acoustique du lieu - il y serait encore 50 ans plus tard !; Zenatello, le premier à avoir ici imposé Radamès, avant Del Monaco, Bergonzi, Corelli, Domingo... Le vertige vous prendra à entendre à la suite de votre lecture le « Celeste Aida » de leur présent successeur, Marco Berti, cumulant problèmes techniques, laideurs et imprécisions ! Et ne parlons pas de l'acteur ! Vertige tout autant face à la battue de Daniel Oren, dirigeant avec le poids et l'absence de subtilité qui, croit-il, conviennent à cette arène immense !

Et le livret d'évoquer aussi la production originale dont « les costumes, les choix scéniques et les décors rappellent ceux de cette (première) production historique . Les décors sont à la fois linéaires et grandioses, retenant l'image visuelle fantaisiste de l'Egypte ancienne que le public avait à cette époque, quand une puissante évocation de terres lointaines suffisait à entraîner les spectateurs dans le monde où l'histoire se déroulait ». Comme si, 100 ans après, rien n'avait changé dans le regard du spectateur, et surtout du téléspectateur à qui la caméra n'épargnera aucun détail de décors qui, vus de loin, assument parfaitement et simplement leur rôle d'ambiance, mais vu de près ne montrent qu'un mépris de la grâce et de l'élégance d'un dessin qui n'est ici que grossièreté. Même sans-gêne des costumes, tout aussi impossibles. Précisons par ailleurs qu'en nous annonçant que les décors reprennent ceux de la production originale de 1913 signés Ettore Faguioli, on oublie que son aire de jeu avançait en force sur le parterre, pénétrant la masse du public. Rien de cela ici, bien entendu.

Alors, pour la belle Aida de Hui He, aux vrais aigus flottants, au timbre pulpeux, à l'émotion réelle, seule interprète digne sinon des légendes, mais au moins des fastes du lieu, pour l'Amonasro de Maestri, propre sinon classe, ni le Ramfis dévasté de D'Artegna, ni la bombarde faite mezzo qu'est Andrea Ulbrich ne laisseront un souvenir mémorable d'Aida.

Beaucoup de bruit pour presque rien. C'est, hélas, Vérone aujourd'hui. Est-on innocent en osant croire que ce n'était pas le cas voici 100 ans ?

P.F.