Camilla Nylund (Iphigenia), Michelle Breedt (Klytämnestra), Christian Elsner (Achilles), Oliver Zwarg (Agamemnon), Riamund Nole (Kalchas), Mirjam Engel (Artemis), Chœur Musicus Köln, Das Neue Orchester, dir. Christoph Spering (2013).
CD Oehms OC953. Distr. Abeille Musique.

Alors que Wagner écrivait d'une main Lohengrin, il occupait l'autre à cette remouture de l'Iphigénie en Aulide que l'Académie Royale de Musique avait vu paraître le 19 avril 1774. Wagner librettiste ne supporta pas la fin doucereuse dont Du Roullet avait déparé la tragédie et revint à Euripide, Artémis conduisant Iphigénie sur les terres de Tauride. C'est la version Wagner qui s'imposa outre-Rhin jusqu'après 14-18 mais, significativement, lorsque le Festival de Salzbourg 1962 remonta l'ouvrage en allemand - et avec un cast stupéfiant : Borkh, Ludwig, Berry, King, Böhm conduisant -, il laissa de côté le finale de Wagner. On avait pris l'habitude d'ailleurs de couper abondamment dans la partition « arrangée » en 1847 par l'auteur du Vaisseau fantôme au point de l'avoir dénaturée.

Christoph Spering est donc le premier à enregistrer tout le texte de l'autographe, ajoutant même en appendice l'ouverture avec son finale pour concert, reléguant aux oubliettes l'essai tenté jadis par Kurt Eichorn pour Ariola - qui affichait l'Iphigénie tardive d'Anna Moffo. Du coup, on saisit mieux l'objet du travail de Wagner sur le récit en musique - un de ses soucis majeurs durant la composition de Lohengrin transposé dans sa relecture d'Iphigénie. Le souci de la prosodie lui commande de réaliser un orchestre aussi tranchant que celui de Gluck tout en lui donnant plus de corps, ce que les instruments d'époque de Das Neue Orchester, leurs couleurs, leurs accents, et la lecture de Christoph Spering, historiquement informée et consciente de l'état original de l'œuvre, rendent avec une présence dramatique certaine. L'acte III y prend un relief étonnant que la version parisienne ne porte pas au même degré de noirceur.

Le geste de Spering colle aux intentions de Wagner tout en lui rendant la fluidité de sa langue dramatique, et sa distribution, à une exception près, le suit. Camilla Nylund touche juste en Iphigénie inquiète, Michelle Breedt campe une Klytämnestra idéale de noblesse, défiant les tessitures extrêmes dont Gluck l'a parée. Si l'Achille de Christian Elsner ne manque pas de vaillance, Oliver Zwarg déçoit, Agamemnon incertain de mots et de justesse surtout pour ceux qui auront dans l'oreille l'incarnation stupéfiante qu'en donna Dietrich Fischer-Dieskau dans le concert berlinois du 1er décembre 1951 dirigé par Arthur Rother (Gala). Mais qui veut tout connaître de la rencontre Gluck-Wagner tiendra là une lecture éclairante.

J.-C.H.