John Mark Ainsley (Orfeo), Juanita Lascarro (Euridice), Brigitte Balleys (Messagiera), Russel Smythe (Apollo), David Cordier (la Musica), Michael Chance (la Speranza), Mario Luperi (Caronte), Bernarda Fink (Proserpina), Dean Robinson (Plutone). Tragicomedia et Concerto Palatino, dir. Stephen Stubbs, mise en scène : Pierre Audi (Amsterdam, juillet 1997).
DVD Opus Arte OAMO6007D. Distr. DistrArt Music.

La réédition de L'Orfeo amstellodamois permet avant tout d'admirer la superbe performance de John Mark Ainsley dans le rôle-titre, d'une intense délicatesse. Au-delà de la séduction immédiate d'un timbre solaire, la voix est en effet servie par un chant fin et habité, qui culmine dans un « Possente spirto... » admirable de maîtrise technique et d'émotion contenue. Autour de cet astre radieux gravite une distribution de haut niveau, dont nous retiendrons particulièrement le velouté sensuel de Bernarda Fink en Proserpina, le lyrisme déchirant de Brigitte Balleys en Messagiera et la dignité solennelle de Russel Smythe en Apollo. Du côté des figures allégoriques - interprétées ici par des falsettistes -, nous préférons les accents poignants de la Speranza sur le fil de Michael Chance à la Musica un peu trop acide de David Cordier.

La mise en scène épurée et atemporelle de Pierre Audi présente l'agrément d'un plateau réduit à l'essentiel, où les lignes géométriques permettent de valoriser les constructions d'ensemble et les jeux de lumière. En revanche, malgré de beaux effets visuels, la rigidité statique du dispositif semble parfois minimiser les enjeux purement théâtraux de l'opéra, sans échapper par ailleurs à quelques ridicules (le badinage maladroit des choristes à l'acte I). Ces réserves peuvent toutefois être nuancées par le format de la captation vidéo, qui ne semble pas pleinement restituer le clair-obscur où baigne en général le plateau - d'autant plus que des prises de vue resserrées empêchent trop souvent d'en avoir une vision globale.

Heureusement, sous la direction vigilante de Stephen Stubbs, les ensembles Tragicomedia et Concerto Palatino font chatoyer les coloris de l'orchestre monteverdien dans un mouvement qui sait allier rigueur et épanouissement sonore - malgré certains choix discutables sur le plan de l'instrumentation (les roulements de timbales aux ritournelles de l'acte II) et des voix (le Pastore I chanté par un baryton au lieu d'un ténor, les choristes un peu trop nombreux).

En privilégiant l'allégorie esthétique par rapport au drame, cette production de L'Orfeo offre donc une lecture séduisante, un hymne où triomphe le beau chant - et constitue à ce titre un jalon incontournable de la vidéographie.

T.S.