Lance Ryan (Siegfried), Nina Stemme (Brünnhilde), Terje Stensvold (Wanderer), Anna Larsson (Erda), Alexander Tsymbalyuk (Fafner), Peter Bronder (Mime), Johannes Martin Kränzle (Alberich), Rinnat Moriah (Waldvögel), Orch. du Teatro alla Scala, dir. Daniel Barenboim, mise en scène : Guy Cassiers (Milan, octobre 2012).
DVD Arthaus Musik 101694. Distr. Harmonia Mundi.

Bonne surprise : Barenboim dirige preste et avec du caractère, faisant de Siegfried un vrai scherzo. Le spectacle se regarde sans discontinuer avec plaisir, mélange habile de projections et de vrais décors (le rocher de Brünnhilde, fatalement), où les personnages déambulent pourtant un peu à l'aveuglette tant la direction d'acteur semble effleurée. Comme pour les épisodes précédents, les close-up se voient, les plans larges restent illisibles. Retour des danseurs, mais en des chorégraphies minimalistes, fondus dans le décor pour un dragon façon Loïe Fuller, plus visibles durant la scène qui verra Siegfried occire Mime, où quelques spadassins forment avec leurs épées une intrigante étoile de David... Siegfried, voilà bien le problème. Non pas que Lance Ryan soit effrayé par le défi, il y va crânement, il a d'autant moins le choix que Cassiers l'a transformé en blouson noir ! Mais enfin, au moindre aigu la voix se resserre et on a vraiment deux Mime l'un en face de l'autre durant tout l'acte I. Dommage, car Peter Bronder, inquiet et fourbe à souhait, chante autant que le Siegfried de Lance Ryan parle. A l'éveil de Brünnhilde, il essaye de donner le change, et Nina Stemme, bonne fille, se garde bien de n'en faire qu'une bouchée. Mais enfin un Siegfried sans Siegfried... Autour de cet  écueil majeur la troupe assemblée excelle. Même usé, le Wanderer de Terje Stensvold laisse entendre qu'il a beaucoup écouté Hans Hotter, et pour le sens des mots et pour la couleur de la voix ; l'Alberich de Johannes Martin Kränzle reste toujours aussi bien chantant mais plus noir d'expression et de timbre qu'au Rheingold. Un très bel oiseau façon Streich qu'on entend frais comme une source mais qu'on ne verra pas, doublé en scène par une comédienne, un Fafner de Luxe avec Alexander Tsymbalyuk, le Boris Godounov du moment, surclassent l'Erda pâlotte d'Anna Larsson - port de reine, voix de bois.

J.-C.H.