Enzo Capuano (Rodolfo), Helene Schneiderman (Teresa), Ana Durlovski (Amina), Luciano Botelho (Elvino), Catriona Smith (Lisa), Motti Kastón (Alessio). Staatsorchester & Staatsopernchor Stuttgart, dir. Gabriele Ferro, mise en scène : Jossi Wieler / Sergio Morabito (Stuttgart, juin 2013).
DVD EuroArts 2059338. Distr. Harmonia Mundi.

Regietheater plus que jamais, et pris ici à sa source même, Stuttgart : on admire une direction d'acteurs au cordeau, qui fouaille au plus sordide le potentiel destructeur du livret, avec ses amours contrariées et ses désamours trop aisées - le somnambulisme n'en est évidemment plus un, et charrie des flots de sang dignes de Lucia. Mais cela, dans une redondance de l'image et du sens assumant la laideur au carré comme seul mode d'expression. Laideur d'un décor unique de cantine en sous-sol médiocre ; laideur de costumes volontairement peu seyants et ringards - ah, le sous-pull beige en viscose d'Alessio, vision houellebecquienne qui donne le ton de la soirée... Anna Viebrock se surpasse.

Peut-être, si le plateau était inoubliable, serait-on happé par l'acidité de cette vision sans appel. Mais Amina, malgré son timbre pulpeux et son jeu sensible, est jetée avec l'eau du bain par cette proposition reniant l'émotion romantique qui devrait poindre de son chant, et sans proposer d'alternative - la « morte-vivante » qui descend le plateau pendant « Ah ! non giunge » n'est pas effrayante : tout juste incongrue. Elvino, certes parfois velouté, trouve ses limites à l'aigu ; Lisa est parfois stridente, Rodolfo digne mais chenu... Tous sont théâtralement très impliqués dans cette narration au forceps, et bien tenus par la direction de Gabriele Ferro. C'est peut-être cela qui a valu à cette production et à Ana Durlovski deux prix décernés par Opernwelt. Force est de constater que le couple Dessay/Florez n'est pas détrôné (DVD Decca 2009), et que cette réalisation n'apporte pas le plaisir que Bellini savait adosser à la cruauté du monde.

C.C.