Anja Kampe (Isolde), Torsten Kerl (Tristan), Sarah Connolly (Brangäne), Georg Zeppenfeld (le Roi Marke), Andrzej Dobber (Kurwenal), Trevor Scheunemann (Melot), Richard Mosley-Evans (le Pilote), Peter Gijsbertsen (le Jeune Marin), Andrew Kennedy (le Berger), Chœur de Glyndebourne, Orchestre Philharmonique de Londres, dir. Vladimir Jurowski (live Glyndebourne, août 2009).
CD Glyndebourne GFOCD019-09. Distr. Abeille Musique.

Le Tristan de Nikolaus Lehnhoff parut à Glyndebourne en 2003, spectacle stylisé qui se souvenait consciemment de l'esthétique de Wieland Wagner comme en atteste la captation réalisée en 2007 pour immortaliser l'Isolde sorcière de Nina Stemme (Opus Arte). Soirée impeccablement distribuée, sinon le Tristan hors style de Roberto Gambill, mais trahie par la direction indifférente et pataude de Jiri Belohlavek. Le Festival a choisi de publier le seul écho sonore de la reprise de 2009, qui montrait une distribution renouvelée et un chef autrement inspiré. La finesse du commentaire dramatique que distille Vladimir Jurowski sans jamais un moment de relâchement durant les trois actes vaudrait à elle seule la Révérence. Cet orchestre parle autant que les chanteurs et s'insinue dans le drame, décor et acteur à la fois, fascinant de contrôle dans l'extase érotique du II comme dans les hallucinations du III. Les commentaires psychologiques dont il colore l'acte I sont pour nous sans équivalent. Mais l'équipe de chant est tout aussi inspirée. Anja Kampe tentait sa première Isolde, idéalement juvénile, allant aux feux de ses aigus avec une ardeur qui lui fait prendre tous les risques pour en triompher : la beauté du timbre irradie, la puissance surréelle de l'incarnation transporte et inspire à Tortsen Kerl - chanteur stylé, timbre sans grâce - un Tristan fragile, rongé par le désir et le remords. Couple parfaitement apparié, qui donne au drame une sorte d'ingénuité. On se doute que la Brangäne de Sarah Connolly au mezzo si clair joue à la soprano-sœur d'Isolde - leurs échanges au début du II les montrent dans un mimétisme vocal troublant. Georg Zeppenfeld délivre le plus compatissant et lui aussi le plus clair des Roi Marke, ligne admirable, mots caressés, fureur contenue. Une basse ? Un violoncelle. Sans familiarité mais avec un œil presqu'amoureux, le baryton sombre d'Andrzej Dobber dessine un Kurwenal soucieux et tendre pas aperçu jusque-là ; Melot irascible, Marin et Berger perdus dans leurs rêves et leurs chansons, un parfum de légende onirique parcourt ce très beau Tristan lumineux qu'on espérait plus.

J.-C.H.