Klaus Florian Vogt (Paul), Camilla Nylund (Marietta, la Voix de Marie), Kristi Valve (Marie, rôle muet), Markus Eiche (Frank / Fritz), Sari Nordqvist (Brigitta), Kaisa Ranta (Juliette), Melis Jaatinen (Lucienne), Per-Hakan Precht (Victorin), Juha Rihimaki (le Comte Albert), Antti Nieminen (Gaston), Chœurs et Orchestre de l'Opéra national finlandais, dir. Mikko Franck, mise en scène : Kasper Holten (Helsinki 2010).
DVD Opus Arte OA 1121. Distr. DistrArtMusic.

Pas très convaincante, cette 3e version vidéo de La Ville morte. Tout au long de son Ier acte, on souffre d'abord de la Marietta de Camilla Nylund, soprano honnête, professionnelle, qui manque autant de charisme vocal que de magnétisme scénique. De fait, la voix ne prend toute son ampleur qu'après le fameux duo « Glück das mir verblieb » ! Si le double de Marie doit avant tout convaincre par la fascination qu'elle exerce sur Paul (et nous), Nylund nous propose une Marietta bien prosaïque, C'est évidemment le propos de Kasper Holten qui, en posant comme rivale de la chanteuse non le portrait de la défunte mais cette défunte incarnée - et autrement plus émouvante à vivre sur son visage le désespoir de voir son mari pris par sa folie -, montre l'absurdité de la passion de Paul. Ce sera le thème conducteur d'une production par ailleurs assez peu iconoclaste. Pour ne rien arranger, Paul, c'est Klaus Florian Vogt. Là encore, rien à redire à la qualité du chant ; mais il faut se forcer à aimer cette voix blanche à l'excès et cet acteur si peu engagé sur le plan scénique, qui réduit sa présence à une série de masques faciaux peu amènes quand il chante, alors qu'il se montre toujours acteur plus fin quand il est muet.

Même Mikko Franck semble peiner à lever la pâte orchestrale durant tout le premier acte, mais sa manière de porter l'interlude du début du IIe acte au niveau d'une fresque puissante liant le luxuriant post-romantisme straussien au délire rythmique stravinskien, engage l'intérêt de ce qui sera le meilleur des trois actes. Car comme souvent, la voix de Vogt se sera chauffée, devenant ainsi, comme celle de Nylund, plus expressive. La scène des comédiens sur le quai, envahissant la chambre mortuaire qui sert d'unique décor, sera menée avec beaucoup de rythme et d'efficacité et permettra d'entendre un Markus Eiche plus charmeur en Fritz qu'imposant en Frank. Mais le IIIe acte, laissé pratiquement à la confrontation des deux protagonistes par une procession complètement atone, montrera à nouveau les limites du spectacle, enfermé par Holten dans l'impressionnant mausolée d'images consacrées à la défunte, qui s'ouvre au besoin de l'action sur une vision en maquette des toits de Bruges. C'est agréable à regarder, mais l'écrin ne suffit pas à créer l'action, trop peu vécue ici pour passionner.

P.F.