Daniella Dessì (Floria Tosca), Fabio Armiliato (Mario Cavaradossi), Ruggiero Raimondi (Scarpia), Marco Spotti (Cesare Angelotti), Miguel Sola (le Sacristain), Emilio Sanchez (Spoletta). Chœur et Orchestre du Teatro Real de Madrid, dir. Maurizio Benini, mise en scène : Nuria Espert (19/22.I.2004).
DVD Opus Arte OA MO6002D. Distr. Distrart.

Le spectacle n'est presque rien, de pure tradition, en costumes d'époque, dans les décors classieux et parfois encombrant d'Ezio Frigerio ; mais qui voudra voir Tosca interprétée aujourd'hui par trois chanteurs italiens dans les emplois des principaux protagonistes et entendre encore une certaine adéquation stylistique n'ira pas ici en vain. Oui, il est bien tard pour le Scarpia de Ruggiero Raimondi, dont la voix n'a plus ce grave creusé qui faisait imploser le Te Deum de Karajan et trembler au II Katia Ricciarelli, mais le mordant des mots est encore là, et sa grande stature alla Don Giovanni, plus séducteur que monstre, reste si noble qu'on en redemande. Ironiquement, Nuria Espert teinte le personnage d'une dimension religieuse, ne lui faisant ôter le col ecclésiastique qu'au moment de consommer Tosca. Oui, Fabio Armiliato va au bout de ses moyens pour tenter de capter l'essence vocale du Cavaliere ; malgré son timbre souvent à la limite de craquer, il s'autorise des tempos étales, gourme ses phrases, les tient contre vents et marées. C'est assez admirable, même si l'on souffre pour lui. Mais celle qui rallierait tous nos suffrages reste Daniella Dessì. Chant de haute école, voix certes sur le déclin, mais justement sa technique parfaite la sauve, personnage finement composé, tout y est au point que depuis Kabaivanska on a le sentiment de voir la plus naturelle, la plus évidente des Tosca. Ce n'est pas peu, d'autant que Maurizio Benini soigne son orchestre et l'accorde à chaque phrase de ses chanteurs sans pour autant perdre la ligne. Des comprimari artistement campés - on aime le baryton clair que Marco Spotti met à son Angelotti, mais on se cabre devant le choix d'une voix féminine pour le Berger - font d'autant plus regretter une captation raide, passant du close up au plan en pied sans vergogne, morcelant par l'image une Tosca musicalement si unie de style et de ton.

J.-C.H.