Patrizia Ciofi (Isabelle), Bryan Hymel (Robert), Jean-François Borras (Rimbaut), Marina Poplavskaya (Alice), John Relyea (Bertram), Royal Opera House Chorus and Orchestra, dir. Daniel Oren, mise en scène : Laurent Pelly (Londres, XII.2012).
DVD Opus Arte OA 1106 D. Distr. DistrArtMusic.

L'enregistrement du concert donné à Salerne en mars 2012 (Brilliant Classics) était venu à point rappeler qu'une interprétation à la hauteur des exigences de la partition pouvait rendre justice aux qualités lyriques de Robert le Diable. Pour le livret, c'est une autre affaire car non seulement il est invraisemblable mais encore ses rares enjeux dramatiques s'éventent à vue de nez, par la faute du compositeur soucieux de gonfler l'argument plus que par l'incurie prétendue d'Eugène Scribe.

On peut désormais en juger au vu de la production scénique que le disque faisait attendre. Plus complète, presque intégrale, avec trois heures et demie de musique, elle est aussi finement dirigée par le même Daniel Oren et réunit à nouveau Patrizia Ciofi, impeccable Isabelle juste un peu froide, et le jeune ténor américain Bryan Hymel chauffé à blanc. Leurs nouveaux partenaires soutiennent la comparaison : la voix souple de Jean-François Borras, truculent Rimbaut, évoque même davantage le ténor à la française que Bryan Hymel ; sa fiancée, Marina Poplavskaya, est tout charme et le Bertram diabolique de John Relyea domine la distribution par une présence vocale et scénique impressionnante.

Quant au spectacle, on croirait d'abord que Laurent Pelly s'est trompé d'ouvrage : c'est Le Comte Ory de Rossini (livret de Scribe d'après une romance médiévale également) qu'il met en scène. Du coup rien ne choque plus : soudards d'opéras-comiques, châtelaine mijaurée en sa tour de carton-pâte, couleurs fluo... Quand arrive le troisième acte où se déroulent les scènes les plus mémorables, le décor de Chantal Thomas - fidèle, cette fois, à l'indication du livret (« paysage sombre et montagneux, près de Palerme avec une caverne ») -, de beaux effets infernaux et une direction d'acteurs moins distanciée, convainquent le spectateur de la nécessité du détour pour être saisi quand il s'y attend le moins. Il est sûr que les cadrages et les choix de la caméra dans la scène de la résurrection des nonnes doublent l'effet théâtral. En intime cohérence avec la musique, la chorégraphie démente de Lionel Hoche et les suaires virevoltants soulignant les charmes qu'ils cachent, produisent une impression si forte que les deux derniers actes en pâtissent un peu sans que l'intérêt se relâche.

Pour (re)découvrir un ouvrage attachant qui ne mérite pas l'oubli, cette version s'impose même si la production de l'Opéra de Paris en 1985, avec Rockwell Blake, Samuel Ramey, June Anderson et Michèle Lagrange (visible sur YouTube) donne une idée plus complète de ce à quoi l'ouvrage se prête vocalement.

G.C.