Anna Mikołajczyk (Maria Skłodowska-Curie), Paweł Skałuba (Pierre Curie), Tomasz Rak (Pierre Langevin), Leszek Skrla (Einstein), Joanna Wesołowska / Julia Ławernowa (Loïe Fuller, voix/danse), Anna Michalak (Eve), Monika Fedyk-Kilmaszewska (Missy Maloney), Bartłomej Misiuda (Gustave Téry), Szymon Kobyliński (Henri Perrin), Daniel Borowski (Paul Painlevé). Chœur et Orchestre de l'Opéra baltique, dir. Wojciech Michniewski, mise en scène : Marek Weiss (Gdańsk 2011).
DVD Dux 9884. Distr. Dux.

2011 : année Marie Curie, présidence polonaise de l'Union européenne. Pas question qu'Elżbieta Sikora manque le rendez-vous. Sa Madame Curie serait prête, pour être créée à l'Unesco le 15 novembre, avant d'être reprise et captée à Gdańsk une semaine plus tard. Elle aussi, dans sa jeunesse, avait proclamé l'inutilité et la mort de l'opéra. Il lui fallut néanmoins, pour obtenir son diplôme de composition à Varsovie, en passer par là... et elle y prendra goût : Ariadna, opéra de chambre, en 1977, L'Arrache-Cœur en 1986, enfin cette Madame Curie. Elle cherchait, comme héroïne, « une femme forte, contemporaine, qui ait changé le cours de l'histoire ». Pas question de Margaret Thatcher ! Ce serait la physicienne, née polonaise comme elle.

Pas d'intrigue, plutôt des épisodes de sa vie : le Nobel, la mort accidentelle de Curie, la liaison avec Langevin, le travail avec sa fille, son amitié avec Loïe Fuller. Pas d'opéra traditionnel non plus, un « monodrame », tenant un peu de la parabole, tout entier structuré autour de la femme et de la femme de science, de ses hantises, de ses doutes, de ses fantômes, de ses désirs, de la conscience douloureuse des dangers de sa découverte.

« Expressionniste lyrique », dit Elżbieta Sikora à propos d'elle-même. On ne saurait être plus juste. Elle a le sens du théâtre, maintient tout au long de ces quatre-vingt dix minutes une tension parfois oppressante. Elle a aussi le sens des couleurs, sait tirer de l'orchestre des effets qui, jamais gratuits, s'inscrivent dans la dramaturgie musicale - avec le goût marqué de sa génération pour la percussion. Lyrisme, couleurs : autant de qualités partagées avec son maître Tadeusz Baird, trop peu joué en Pologne même. Et elle n'a pas oublié son passage au Groupe de Recherches Musicales : une partie de la musique de Madame Curie est électroacoustique, lorsqu'on abandonne l'univers du réel - il y a aussi un accordéon et une guitare électrique.

L'écriture des voix, pas moins lyrique, met parfois, sans les violenter, les tessitures à l'épreuve. Surtout celle de l'héroïne, grand soprano lyrique devant assumer des mélismes très opératiques, qui ne quitte pas la scène un seul instant. Anna Mikołajczyk est remarquable, belle voix homogène et ductile, comédienne accomplie. Autour d'elle, un ensemble de la meilleure qualité, que Wojciech Michniewski pourrait cependant diriger avec plus d'urgence. Et la très honnête mise en scène de Marek Weiss, visiblement très marqué par La Classe morte de Kantor, pourrait témoigner de plus d'imagination.

Est-ce pour cela que cette Madame Curie passe à côté de la Révérence ? Pas seulement : le livret d'Agata Miklaszewska paraît un peu filandreux et manque d'unité, avec des vagabondages pas toujours heureusement articulés entre le rêve et la réalité, une poétique à la fois contournée et convenue. Mais la musique suffit à assurer la continuité dramatique d'un opéra auquel on promet on bel avenir. Le DVD, lui, ne comporte, outre des mots inutiles du metteur en scène, que les biographies : rien sur l'œuvre, pas de livret. Un comble pour une création.

D.V.M.