René Pape (Wotan), Ekaterina Gubanova (Fricka), Stephan Rügamer (Loge), Alexei Markov (Donner), Sergei Semishkur (Froh), Viktoria Yastrebova (Freia), Zlata Bulycheva (Erda), Nikolai Putilin (Alberich), Andrei Popov (Mime), Evgeny Nikitin (Fasolt), Mikhail Petrenko (Fafner), Zhanna Dombrovskaya (Woglinde), Irina Vasilieva (Wellgunde), Ekaterina Sergeeva (Flosshilde). Orchestre du Mariinsky, dir. Valery Gergiev (Saint-Pétersbourg 2010-2012).
SACD Mariinsky MARO526. Distr. Culture Comm.

Déconcertant, ce second volume du Ring selon Valery Gergiev - dans le désordre, on a déjà rendu compte ici même de La Walkyrie (cf. L'ASO n° 274). D'abord à cause de lui-même : ces concerts disparates accusent un manque de tension, de propos, de théâtre simplement, qui sidère venant d'un chef que l'on sait versé dans Wagner depuis longtemps et qui a prouvé au moins une fois au disque par un splendide Parsifal ses affinités électives avec cet univers. Mais las ! Ce Rheingold s'enferre dans un morcellement chronique, comble pour un ouvrage si parfaitement tracé à main levée. Soulignons en passant l'autre écueil de cette captation : à troupe russe, allemand parfois exotique. On s'en rendrait moins compte si deux chanteurs germaniques ne venaient faire soudain sonner la vérité de la langue avec un éclat confondant. En bien meilleure voix que pour son Wanderer, René Pape ne fait qu'une bouchée du jeune Wotan, même si l'on aimerait justement un timbre plus conquérant et une lecture plus emportée. La vraie perle ici, c'est le Loge saisissant de Stephan Rügamer, vipérin, subtil, élégant, dangereux : il mène le jeu et il le sait. Un modèle. Qu'arrive-t-il à Ekaterina Gubanova ? sa Fricka semble sur la réserve, plus vexée que furieuse et en voix terne. Filles du Rhin très en vibrato, Géants interchangeables, une Erda assez clouante de présence sinon de style, des Dieux pas assez occupés à jouer la comédie, corsetés dans le costume du concert, on passerait presque son chemin s'il n'y avait soudain ce Nibelheim plein de fumerolles et de souffre où l'orchestre de Gergiev prend enfin la parole, entraîné par un quatuor décidément percutant qui anime le drame : on a déjà souligné Wotan et Loge, et il faut avouer que les dialogues entre le Mime terrorisé d'Andrei Popov et l'Alberich monstrueux de Nikolai Putilin nous ont donné le frisson. Mais un Nibelheim fait-il un Rheingold ? En tous cas, si vous vous aventurez ici, vous saurez où aller d'abord.

J.-C.H.