Michael König (Max), Juliane Banse (Agathe), Regula Mühlemann (Ännchen), Michael Volle (Kaspar), Franz Grundheber (Ottokar), Benno Schollum (Kuno), René Pape (l'Ermite), Olaf Bär (Kilian). London Symphony Orchestra et chœur de la radio de Berlin, dir. Daniel Harding, réal. Jens Neubert (2010).
DVD Arthaus Musik 101 692. Distr. Harmonia Mundi.

Qu'on se rassure tout de suite : si le cinéaste Jens Neubert a retenu un titre auquel Weber avait d'abord pensé pour Le Freischütz, son adaptation cinématographique présente une version intégrale et respectueuse de l'œuvre. La principale liberté qu'il s'octroie consiste à déplacer l'action, qui a lieu ici non pas en Bohême à la fin de la Guerre de Trente Ans, mais plutôt dans la Saxe de Frédéric-Auguste Ier, plus précisément à la fin de l'époque napoléonienne. Comme le royaume s'était rangé du côté de la France, on assiste à la débâcle d'une armée formée de soldats qui, à l'instar de Max, sont carrément pouilleux et réduits au désespoir. La scène de la Gorge aux loups se déroule ainsi dans un lieu sinistre jonché de cadavres de militaires. Un peu étonnante à première vue, une telle transposition s'avère en fin de compte cohérente et rend crédible le fait que Max et Kaspar se tournent vers les forces occultes afin d'échapper à la désespérance. Moins heureux nous semble le choix d'avoir modifié la bande-son en fonction de l'image, ce qui, sous prétexte de réalisme, nous vaut un enregistrement au volume sonore variable, selon les plans choisis par le réalisateur, sans parler de nombreux bruits parasites vraiment trop envahissants. L'équilibre entre l'orchestre et les voix laisse en outre beaucoup à désirer, un peu comme si les chanteurs avaient été enregistrés après coup, dans une salle sans réverbération et très près des micros.

La distribution est dominée par Juliane Banse, dont le personnage d'Agathe, d'une sensibilité à fleur de peau, est tout simplement magnifique. À l'exception d'un registre aigu qui demeure toujours un peu serré, elle offre une interprétation techniquement irréprochable et d'une ardeur toute romantique. Son « Leise, leise » en apesanteur constitue le moment de grâce de ce DVD. À ses côtés, Regula Mühlemann est une Ännchen primesautière et confondante de naturel, dont la technique vocale demeure cependant encore quelque peu rudimentaire. On oubliera bien vite le Max fruste, à l'émission nasale, de Michael König pour retenir davantage le superbe Kaspar au chant très solide de Michael Volle et l'Ermite exemplaire de René Pape. Pour sa part, Franz Grundheber ne laisse pas un souvenir impérissable en prince Ottokar, tandis qu'Olaf Bär fait entendre une voix usée jusqu'à la corde en Kilian. Dirigé par Simon Halsey, le chœur de la radio de Berlin accomplit un travail admirable dans cette musique qui lui est consubstantielle. À la tête du London Symphony Orchestra, Daniel Harding offre quant à lui une lecture appliquée, parfois excitante, mais rarement habitée par l'atmosphère quasi hallucinée que peut véhiculer cette musique. À sa décharge, il faut reconnaître que le travail de tripatouillage de la bande sonore nuit à l'appréciation de son travail. Au final, voilà un film qui ne répond que de façon imparfaite à nos attentes, mais qui mérite notre attention pour les incarnations très fortes de Juliane Banse et de Michael Volle.

L.B.