Günther Groissböck (Grémine), Helene Schneidermann (Larina), Kristïne Opolais (Tatiana), Lena Belkina (Olga), Margarita Nekrasova (Filipievna), Artur Ruciński (Onéguine), Dmitry Korchak (Lenski), Emilio Sánchez (Triquet), Toni Navarrate (Guillot). Cor de la Generalitat Valenciana, Orquestra de la Comunitat Valenciana, dir. Omer Meir Wellber. Mise en scène : Mariusz Treliński (Valence 2011).
DVD Unitel Classica 7122408. Distr. Harmonia Mundi.

Réalisme et fantastique, oscillation entre le rêve et la réalité, couleurs flashy et pourtant subtilement nuancées, symboles récurrents : on reconnaît bien la patte de Mariusz Treliński, dont l'Eugène Onéguine reste dans la mémoire. Un vieil homme, O***, revit douloureusement sa vie passée - étonnant Emil Wesołowski, chorégraphe de la production -, à moins qu'il ne rêve. Sa canne est comme une épée qui tue, ou une flèche, comme l'immense flèche rouge - une des couleurs dominantes de cet Onéguine - fichée dans le plancher du palais Grémine, devenu une sorte de cabaret futuriste. Ordonnateur, pour les fêtes, d'un rituel presque barbare où les choristes ont des têtes d'animaux chez les Larine, d'un cérémonial figé tenant de la marche funèbre chez Grémine. Tatiana et Onéguine sont des figures de crucifiés. Remarquable spectacle, souvent chorégraphié, d'une grande beauté plastique, réglé au millimètre, notamment les déplacements du chœur. Mais pourquoi avoir supprimé le chœur de paysans au premier acte, alors que la nature reste si métaphoriquement présente ?

De noir vêtu, Onéguine ressemble à un démon dostoïevskien, moins dandy que ténébreux prédateur, idéalement incarné par Artur Ruciński qui doit s'incliner devant son compatriote Mariusz Kwiecień pour la noblesse du phrasé et l'élégance de la ligne. Kristïne Opolais ne joue pas moins bien, Tatiana plus mûre que de coutume, vouée d'emblée à un triste destin, assez froide de timbre cependant. Un des plus beaux couples de la vidéographie, à défaut d'être le plus accompli vocalement. Autour d'eux, un ensemble parfait d'homogénéité, avec la belle Olga de Lena Belkina. Mais si Günther Groissböck, pas très princier, manque de profondeur dans le grave, Dmitry Korchak s'impose avant tous, par la beauté du timbre, le raffinement stylistique, la retenue dans l'émotion. Assistant de Barenboim, directeur musical du Palais des Arts à tout juste trente ans, Omer Meir Wellber étonne par sa maîtrise et son aisance. Direction très sûre, fluide mais sensuelle, volontiers teintée d'une mélancolie toute slave, à la fois ferme et libre, théâtrale et intimiste : ce qu'il faut pour les « Scènes lyriques » de Tchaïkovski.

Tcherniakov, Herheim, Treliński maintenant avec cette production de l'Opéra de Varsovie importée à Valence : Onéguine se porte bien.

D.V.M.