Christopher Robertson (Henry IV / Pistol), Nikolai Schukoff (Hal), Lester Lynch (Falstaff), Melody Moore (le Garçon / Clarence), Nathaniel Webster (Bardolph), Susanne Mentzer (Nell Quickly). Orch. et Chœur de la radio de Munich, dir. Ulf Schirmer (2011).
CD Pentatone PTC 5186 445. Distr. Codaex.

Si vous cherchez un exemple frappant du truisme voulant que l'argent ne fait pas le talent, écoutez la musique de Gordon Getty, fils d'un magnat du pétrole américain et compositeur dilettante. Né à Los Angeles en 1933, Getty a longtemps travaillé pour l'entreprise familiale tout en caressant l'idée de consacrer ses efforts à la musique, principalement vocale. Ce Gros Jack, inspiré des pièces Henry IV et Henry V de Shakespeare, a nécessité une vingtaine d'années d'efforts au compositeur et a donné lieu à un concert à Londres en 2002. Neville Marriner en a enregistré l'ouverture en 2009 pour la même compagnie Pentatone, qui présente ici non pas l'intégrale, mais de larges extraits de l'opéra. Le Jack du titre est évidemment Sir John Falstaff, dont on cherchera vainement la truculence et l'esprit que Verdi a su lui conférer, tant le langage musical de Getty est d'une pauvreté affligeante. Après l'ouverture, où l'on perçoit ici et là un brin de parenté avec Prokofiev, les deux actes se déroulent le plus souvent dans une sorte de récitatif-arioso ponctué de quelques emprunts à la musique de la Renaissance, le tout enrobé dans une orchestration terriblement lourde, avec ses fastidieux accords massifs de cuivres qui finissent par assommer le tympan le plus indulgent. La distribution, globalement satisfaisante, permet surtout d'apprécier le baryton Lester Lynch en Falstaff et la soprano Melody Moore dans les deux rôles du Garçon et de Clarence. Idéale de clarté, la prise de son met en valeur le travail remarquable du chef Ulf Schirmer et de l'Orchestre de la radio de Munich, mais ne rachète pas une œuvre à laquelle aucun directeur de théâtre ne s'est encore intéressé. Afin d'éviter pareille déconvenue à son opéra Usher House, Getty a trouvé la solution toute simple d'offrir deux millions de dollars au Welsh National Opera, qui créera l'ouvrage en 2014 pour la plus grande gloire de l'art lyrique…

L.B.