Gabriella Tucci (Elisa), Gianni Raimondi (Florindo), Mario Zanasi (Germano), Flora Raffanelli (Laura), Paolo Washington (le Prieur). Orchestra e coro del Maggio musicale Fiorentino, dir. Franco Capuana (live 1960). 
CD Myto.

Avec son intrigue sentimentale, ses éléments de couleur locale, son sens si particulier du climat et de la teinte juste, Eliza (1794) semble regarder vers le Romantisme. Dans la version italienne ici enregistrée, la prosodie est un peu bousculée et les récitatifs remplaçant les dialogues faussent la tonalité de l'œuvre – mais ils n'empêchent pas d'entendre la richesse et l'originalité du langage dramatique de Cherubini, son sens de la caractérisation des personnages et des ambiances. Les airs solistes dominent, certains d'une grande complexité de construction – comme la grande scène de désespoir de Florindo à l'acte I ou la cavatine quasiment pré-rossinienne d'Eliza, précédée de sa magnifique introduction orchestrale. Les touches de demi-caractère se font plus discrètes (l'air du valet, la romance de Michel, la ronde des paysans savoyards) et l'intégration dramatique des différents numéros par le jeu des thèmes récurrents est d'une étonnante modernité. Les ensembles paraissent en revanche moins convaincants, comme plaqués sur la tonalité générale de l'œuvre ; mais ils ne sont pas moins d'une très grande beauté dans un registre néo-religieux très post-gluckiste. Il s'agit bien sûr d'un opéra à sauvetage. Ici l'héroïne vient sauver son amant prêt à se suicider car se croyant abandonné. Comme souvent dans ces opéras-comiques, l'action s'achève presque sans dénouement, ce qui crée une certaine frustration. Dans ce live florentin de 1960, le plateau est constitué de stars du chant italien dont les splendides voix ne sont pas nécessairement adaptées au style de l'opéra-comique français, mais on apprécie tout de même le beau ténor lyrique de Gianni Raimondi, la solidité du Prieur de Paolo Washington et le baryton bien timbré de Mario Zanasi ainsi que l'excellente galerie de petits rôles masculins. On restera plus réservé en revanche sur les aigus tirés de Gabriella Tucci. La direction plus que compétente de Franco Capuana saisit parfaitement la nature exacte de cette musique prémonitoire.

A.C.