Angelika Kirchschlager (Lucretia), Christopher Purves (Collatinus), Peter Coleman-Wright (Tarquinius), Benjamin Russell (Junius), Hilary Summers (Bianca), Claire Booth (Lucia), Ian Bostridge, Susan Gritton (le Chœur). Ensemble du Festival d'Aldeburgh, dir. Oliver Knussen.
CD Virgin Classics. Distr. EMI.

Complexe Viol de Lucrèce ! Oliver Knussen, revenu pour l'occasion au Festival d'Albeburgh dont il fut le directeur au cours des années quatre-vingt, a choisi d'en faire un vitrail sonore. On admire le travail d'éclairagiste et la subtilité de son geste qui radiographient les mystères de l'écriture de Britten, et il faut bien avouer qu'on n'avait jamais entendu cet orchestre aussi poétique, aussi évocateur depuis l'enregistrement du compositeur qui y mettait pourtant une toute autre tension. On serait presque dans une lecture oratorienne si Angelika Kirchschlager ne faisait sa Lucia si véhémente, si uniment dramatique et déchirée, tournant le dos aux élégies douloureuses que tissaient Kathleen Ferrier et Janet Baker. Mais las ! Elle n'a pas les moyens de son projet artistique, privée du grave que Britten écrivit pour Ferrier, et son registre aigu souffre de constants détimbrages, bien qu'elle l'allège. Trop tard ? Peut-être ne fut-elle jamais Lucretia vocalement. Tous l'entourent pourtant avec attention, ses suivantes sont parfaites, le trio de barytons étonnant de présence, de mordant, la palme revenant à Peter Coleman-Wright, Tarquinius impérieux. Mais celui qu'il faut entendre et qui vaudra qu'on se procure cet enregistrement singulier même si inabouti, reste Ian Bostridge, Chœur superlatif, qui retrouve en ses propres termes vocaux la présence brûlante de Peter Pears.

J.-C.H.