Anna El-Khashem (Paracha), Noa Beinart (Mère), Yulia Sokolik (Voisine), Freddie De Tommaso (Vassili).
Markus Suihkonen (Roi René), Boris Prýgl (Robert), Long Long (Vaudémont), Oğulcan Yilmaz (Ibn-Hakia), Caspar Singh (Alméric), Oleg Davydov (Bertrand), Mirjam Mesak (Iolanta), Noa Beinart (Marthe), Anaïs Mejías (Brigitte), Yulia Sokolik (Laure), Nora Bollmann (Patriarche).
Chœurs de l’Opéra d’État de Bavière, Orchestre d’État de Bavière, dir. Alevtina Ioffe, mise en scène, Axel Ranisch (Munich, Théâtre Cuvilliés, juillet 2019).
Bayerische Staatsoper Recordings BSOREC1003. Présentation bilingue (all., angl.). Distr. BSO Recordings.
 
Quand on veut associer deux œuvres qui n’ont pas de pas de rapport entre elles, on pratique la mise en abyme, comme l’a fait récemment Olivier Py pour Le Rossignol et Les Mamelles de Tirésias. C’est ce qu’avait fait à Munich, avec plus de bonheur, Axel Ranisch pour Mavra et Iolanta, nous rappelant à l’occasion que Stravinski se déclarait beaucoup plus proche du compositeur d’Eugène Onéguine que du Groupe des cinq.

Recluse dans une espèce de cage, l’héroïne de Tchaïkovski joue à la poupée avec les personnages de la farce de Stravinski. Des poupées grandeur nature, les chanteurs en réalité, qui prendront leur indépendance quand Iolanta se sera elle-même affranchie en recouvrant la vue et en découvrant l’amour. Axel Ranisch, jamais à court d’invention, relève le défi qu’il s’est lui-même lancé, sans éluder le comique bouffon de Mavra et le tragique douloureux de Iolanta – où la jeune fille est visiblement enfermée par un père possessif, lui-même sous l’emprise d’une mère abusive qui ressemble fort à la Comtesse de La Dame de pique – ne vivait-elle pas, elle aussi, dans un passé figé ? La fin, malheureusement, déroute un peu : on ne comprend pas très bien pourquoi, une fois Iolanta rendue à ses yeux, Vaudémont se crève les siens.

Afin que le contienne la petite fosse du Théâtre Cuvilliés de Munich, Richard Whilds a réduit l’orchestre de Tchaïkovski. Et, ce qui passe beaucoup moins bien même si cela rappelle les années 1920 et la date de composition de Mavra, Paul Phillips a transformé celui de Stravinski en un petit ensemble de chambre jouant sur la scène. Cela admis, on ne boude pas son plaisir. La direction d’acteurs du metteur en scène fait mouche, Alevtina Ioffe a le geste souple et vif, en phase avec la modestie des effectifs, leurs couleurs plus acérées, leurs angles plus droits. On a distribué de jeunes pousses de l’Opera Studio de l’Opéra de Munich. Certes, certains restent un peu verts, comme le Roi de Markus Suihkonen, fort bien chantant en tout cas, avec de vrais graves, ou la jolie Paracha d’Anna El-Khashem. Mais Mirjam Mesak a peu à envier à des aînées plus connues : voix à la fois fraîche et mûre, chant impeccablement ciselé, composition affûtée. Et si Freddie De Tommaso, pas encore lancé, « vérise » un peu son Hussard, Long Long a du style et de la vaillance en Vaudémont. Jusqu’aux petits rôles, le Bertrand d’Oleg Davydov par exemple, tous portent un chant déjà fort beau.

Didier van Moere