Maria José Siri (Adriana Lecouvreur), Ksenia Dudnikova (Princesse de Bouillon), Martin Muehle (Maurizio), Paolo Antognetti (Abbe de Chazeuil), Alessandro Spina (Prince de Bouillon), Nicola Alaimo (Michonnet), Orchestra e Coro del Maggio Musicale Fiorentino, Daniel Harding (direction), Frederic Wake-Walker (mise en scène), Polina Liefers (décors), Julia Katharina Berndt (costumes), Marco Faustini (lumières). Live, septembre 2022.
Naxos 2110737. Notice et synopsis italien/anglais. Distr. Outhere.
 
L'opéra de Cilea créé en 1902 honore la légendaire Phèdre de la Comédie française morte tragiquement en 1730, empoisonnée dit-on par les senteurs mortelles d’un bouquet de violettes perfidement offert par sa rivale en amour, la Princesse de Bouillon. Les harmoniques de la partition, sensuels plus que véristes, y subliment les élans passionnels d’Adrienne et leur véhémence censée épouser le classicisme Grand Siècle de son héroïne théâtrale. Cette umile ancella, humble servante de son art, avouant sur un fil de voix sa fragilité de femme, vit et meurt sous l’aile de Racine, poète dramaturge. En acceptant de mettre en scène cet ouvrage, au pied levé en plein après le covid, le jeune britannique Frederic Wake-Walker acceptait de le transposer dans l’atmosphère et les décors des années contemporaines de sa création. Banal et vain, ce genre de transposition, observé à la loupe du DVD, ne manque pas de grossir le trait du jeu et du chant des protagonistes, à l’origine incarnés par l’ardente Pandolfini, Caruso et De Luca, trio superlatif. C’est malheureusement le cas de l’Adrienne de Maria José Siri, seul point fort néanmoins de la distribution. Une direction d’acteurs moins convenue aurait sans doute obtenu de cette artiste douée un jeu d’une diversité qu’elle échoue à démontrer. Les nuances d’intensité qu’elle maîtrise au fil de la soirée tendent de même à une frustrante alternance de puissance et de smorzandi, sans réelle dialectique. Reste que son héroïne un rien crypto-vériste rencontre l’adhésion du public florentin. Sous les atours de sa rivale, Ksenia Dudnikova exhibe en Princesse de Bouillon un timbre volcanique à souhait, sans invention ni classe particulières. Le Michonnet basique de Nicola Alaimo, régisseur du théâtre amoureux transi d’Adrienne et le Maurizio de Martin Muehle, ténor bourreau des cœurs, de timbre ingrat, émission à l’avenant, peinent à nous convaincre. Les comprimari font de leur mieux. Sans relativiser les mérites du chef Daniel Harding, totalement investi dans une orchestration luxuriante dont il brasse les richesses sans en négliger les subtilités, on peut regretter que l’orchestre florentin pâtisse des incertitudes de ses cordes. Une captation décevante au regard de l’intérêt qu’elle suscitait a priori.
 
Jean Cabourg