Vasilisa Berzhanskaya (Isabella), Alasdair Kent (Lindoro), Ricardo Seguel (Mustafà), Pablo Ruiz (Taddeo), Lilian Farahani (Elvira), Esther Kuiper (Zulma), José Coca Loza (Haly), Orchestra of the 18th Century, La Cetra Vokalensemble Basel, dir. Giancarlo Andretta.
Glossa GCD921132. Notice français/anglais/allemand. Livret italien/anglais. Distr. Harmonia Mundi.
 
Cette version de L’Italienne captée sur le vif au Concertgebouw d’Amsterdam en 2022 ne saurait laisser indifférent. Confiée aux bons soins du maestro Andretta, formé à Venise avant une notable immersion viennoise, elle offre une alacrité superlative qui tendrait à faire oublier ses péchés tant vocaux qu’instrumentaux. Convoquer l’Orchestre du XVIIIe siècle et ses instruments d’époque ne pouvait que complaire aux accrocs du baroquisme tous azimuts. Rossini y eût-il apprécié de retrouver dans les sonorités voilées et la ligne improbable du cor solo ce que son père obtenait de son propre instrument ? L’invention du cor à pistons, contemporaine du présent ouvrage, nous a habitués à une franchise d’émission ici mise à mal. La remarque valant pour les bois et quelques alanguissements des cordes par ailleurs nerveuses à souhait, les vertus innovantes du cher Gioachino en sont parfois contrariées. Les accelerandi débridés auxquels est soumise la palette vocale ici réunie exposent les interprètes de cette turquerie délirante à de réels périls. Basses et baryton se lancent à corps perdu dans les duos sans démériter ni sacrifier le délié de leurs vocalises. Le Mustafà de Ricardo Seguel, entendu à Bad Wildbad, plastronne à l’envi, parfois tenté de surligner ses traits naturellement généreux. En Taddeo, Pablo Ruiz joue la carte franchement drôlatique versus un Haly dont José Coca Losa s’efforce de respecter les antécédents mozartiens. Du fringant ténor Alasdair Kent on attendrait qu’il mette un peu d’édulcorant dans son timbre de contraltino brillant au service de Lindoro. Et notre héroïne ? Vasilisa Berzhanskaya peine souvent à parcourir l’échelle de ses registres mais ose des variations périlleuses qui rachètent ce manque de corps. Isabella exige sans doute des graves mieux assis et un legato sensuel exempt d’inégalités de soutien. Le mezzo d’Esther Kuiper sied bien à Zulma, quand les stridences de Lilian Farahani écorchent trop souvent nos oreilles. L’ensemble vaut finalement surtout pour son dynamisme, chœurs compris, mais nous aurons la faiblesse de nous y laisser prendre.

Jean Cabourg