Izabela Matula (Wally), Leonardo Capalbo (Hagenbach), Jacques Imbrailo (Gellner), Ilona Revolskaya (Walter), Alastair Miles (Stromminger), Zoltán Nagy (Il Pedone), Sofia Vinnik (Afra). Chœur Arnold Schoenberg, Orchestre symphonique de Vienne, dir. Andrés Orozco-Estrada, mise en scène, Barbora Horáková Joly (Theater an der Wien, novembre 2021).
Unitel 806308. Présentation trilingue (angl., all., fr.). Distr. Harmonia Mundi.
 
Un décor rocheux avec une baignoire et une maquette de chalet, un ruisseau, puis, à partir du troisième acte, une structure métallique à demi détruite, huis-clos à l’image de la conscience dévastée de Wally, dans un paysage lunaire de lendemain d’apocalypse : Barbora Horáková Joly récuse tout pittoresque alpin. La couleur locale n’est suggérée que par des costumes, des faucheurs ou des femmes pelant des pommes de terre. La production vise surtout à restituer la violence d’une société machiste dominée par un Stromminger brute épaisse, qui fait du jeune Walter son souffre-douleur. Cette violence fonde d’ailleurs les rapports entre Wally et Hagenbach, avant que l’amour se déclare enfin, mais trop tard. La fin est d’ailleurs ambiguë : là où elle devrait se jeter dans le ravin, elle disparaît dans la brume de son cauchemar. Faute d’être aimé, Gellner devient un pauvre type se réfugiant dans l’alcool. La direction d’acteurs colle impeccablement et implacablement à cette lecture assez expressionniste.

Si Izabela Matula atteint à la fin ses limites en Wally, elle tire de jolies nuances d’une voix longue d’authentique spinto, parfois un rien dure mais conduite avec une remarquable rigueur. Elle émeut par la vérité et l’intensité de son incarnation de la sauvageonne gagnée par la passion. Son Hagenbach, en revanche, ne séduit ni par un timbre ordinaire ni par un chant brut, mais Leonardo Capalbo se police progressivement. On lui préfère le Gellner de Jacques Imbrailo, qui sertit ses frustrations dans une ligne châtiée, sans toutefois être le baryton Verdi que l’on attend ici. L’usure des moyens, chez Alastair Miles, ne nuit pas à la férocité de Stromminger, alors qu’Ilona Revolskaya, même touchante, a la voix un peu courte pour le travesti de Walter. Pedone a moins à chanter, mais Zoltán Nagy est remarquable, le meilleur de tous même. Le Chœur Arnold Schoenberg, bien qu’il ne se trouve pas sur ses terres, se signale par les qualités qu’on lui connaît et Andrés Orozco-Estrada, d’un lyrisme flamboyant et d’une théâtralité incandescente, transforme les glaciers en volcans. Une Wally préférable à celle d’Alexander Rumpf et Johannes Reitmeier (Capriccio).

Didier van Moere