Werner van Mechelen (Figaro), Christiane Oelze (Susanna), Huub Claessens (le comte Almaviva), Patrizia Bicciré (la comtesse Almaviva), Monica Groop (Cherubino), Béatrice Cramoix (Marcellina), Harry van der Kamp (Bartolo), Yves Saelens (Basilio), Philip Defrancq (Don Curzio), Jean-Guy Devienne (Antonio), Marie Kuijken (Barbarina), La Petite Bande et Chœur de chambre de Namur, dir. Sigiswald Kuijken (live, Palacio de Congresos y Auditios, La Corogne, 5 juin 1998).
Accent ACC 24390. Coffret de 9 CD comprenant la trilogie Mozart-Da Ponte. Présentation en anglais et en allemand. Pas de livret. Distr. Outhere.
 
Données en version de concert à La Corogne en 1998, ces Noces de Figaro succédaient à Così fan tutte (1992) et Don Giovanni (1995), que Sigiswald Kuijken avait enregistrés avec sa Petite Bande à Budapest et à Saint-Jacques-de-Compostelle. Voilà les trois intégrales réunies en un seul coffret offert à prix doux, avantage certes appréciable mais qui ne saurait malheureusement suppléer à un intérêt musical en somme fort limité. La responsabilité en incombe d'abord au chef, dont la direction nous fait bien peu participer à la fébrilité de « la folle journée », qui devrait nous entraîner dans un véritable tourbillon. À l'exception d'une ouverture plutôt allègre mais qui pèche par des contrastes trop violents et une brusquerie dépourvue d'élégance, l'ensemble de la représentation manque singulièrement d'impact dramatique. Le plus souvent anémique, Kuijken ne réussit jamais à nous transporter en raison d'une certaine raideur dans les articulations qui dépouille la musique d'une bonne part de sa sensualité, et ce, malgré la riche sonorité des instruments anciens. On en veut pour exemple le fandango du troisième acte, sans grâce et ne suscitant absolument pas l'envie irrésistible d'esquisser des pas de danse... Cette sécheresse entache en particulier les airs d'introspection de la comtesse et les scènes d'épanchements amoureux. Enfin, après quatre longs actes enchaînés sans alacrité, le chef semble sortir de sa torpeur pour le chœur final, qu'il bouscule avec une rudesse hors de propos.
 
Au sein d'une distribution qui n'offre hélas que peu de compensation, on distingue surtout la sémillante Susanna de Christiane Oelze, au chant soigné et au timbre juvénile. La voix demeure cependant assez petite et l'air des marronniers souffre d'une expressivité réduite. En raison d'un legato insuffisant, Patrizia Bicciré livre un « Porgi, amor » décevant, se ressaisit par la suite, mais n'émeut pas réellement dans un « Dove sono » plutôt scolaire. Si la couleur chaude de la mezzo Monica Groop pourrait convenir à Cherubino, l'instrument s'avère trop peu souple dans « Non so più cosa son » et « Voi che sapete ». Amusante dans son duo avec Susanna, Béatrice Cramoix est à la peine dans « Il capro e la capretta », tandis que Marie Kuijken (fille de Sigiswald) souffre de graves insuffisances techniques. Défavorisé par un aigu déficient et un grave inconsistant, Huub Claessens offre un pâle portrait du comte, qui ne fait absolument pas le poids face au Figaro aux moyens pourtant modestes de Werner van Mechelen, qu'on souhaiterait par ailleurs plus truculent et davantage déchaîné dans « Aprite un po' quegli occhi ». À l'image du Bartolo de Harry van der Kamp et du Basilio d'Yves Saelens, qui complètent sans panache la distribution, ces Noces de Figaro ne sauraient constituer un premier choix.

Louis Bilodeau