Luca Salsi (Rigoletto), Javier Camarena (Il Duca di Mantova), Enkeleda Kamani (Gilda), Alessio Cacciamani (Sparafucile), Caterina Piva (Maddalena), Orchestra e Coro del Maggio Musicale Fiorentino, dir. Riccardo Frizza. Enregistré sur le vif en février 2021. Notice et livret italien/anglais.
Dynamic CDS 7921 .02 ( 2 CD ). Distr. Outhere.

Avouons-le sans détour : Gilda est ici le seul objet de notre assentiment, quand l’ensemble de cette captation florentine laisse partagé entre déception, mauvaise humeur et rejet. Nous savions quels débuts prometteurs la soprane albanaise Enkeleda Kamani avait connus en Gilda, dès septembre 2019 à Milan. Ces disques confirment les espoirs qu’une interprétation alors jugée admirable au plan de la vocalité comme à celui de l’incarnation théâtrale avait fait naître. Seule la jeune artiste peaufinée par l’académie des chanteurs de la Scala, avant de paraître en Adina de l’Elixir d’amour, Pamina de la Flûte enchantée et Lucia, puis à l’affiche du Bal Masqué et du présent Rigoletto florentin, justifie l’achat de ces disques. Le rôle-titre confié à l’impossible Luca Salsi, bouffon tonitruant couramment oublieux du diapason et brutalisant son phrasé, disqualifie gravement en effet un plateau que l’ardent Javier Camarena, plus étudiant monté sur ses ergots claironnants qu’aristocrate libertin, ne saurait valoriser. On en veut à Riccardo Frizza, chef instruit de l’esthétique romantique néo-belcantiste, de privilégier ici l’amour de l’alacrité superficielle sur la tension du discours verdien. Quand le ténor, lui, hésite entre effusions douceâtres et pulsions aiguës un rien crispées, on apprécie que la virginale Gilda, bercée par la lenteur du tempo de son Caro nome et les afféteries de l’orchestre, sache impulser à son chant une ardeur déjà si féminine et généreusement lyrique. Le réconfort de l’auditeur n’est pas moindre lorsque succédant à un Cortigiani vil razza, massacré par les assauts du baryton détonnant et véristissime, la tendresse de Tutte le feste et le sotto voce du Piangi inspiré au père attendri, offrent par les grâces lyriques de cette amante révélée à elle-même un modèle d’ardente suggestion poétique. La suite confirmera les faiblesses des rôles masculins, exception faite d’un Sparafucile de bonne tenue, versus les mérites des chœurs-maison et des seconds rôles féminins, ceux de la Maddalena de Caterina Piva notamment. La donna è mobile et le célèbre quatuor ne rachetant qu’imparfaitement la superficialité du ténor et celle du bossu contrefait, mieux vaut prendre congé de cette intégrale audio en saluant l’impétuosité déployée par une Gilda de primo cartello, dont le fil di voce final sublime l’assomption.

Jean Cabourg