Stanislas de Barbeyrac (Pelléas), Chiara Skerath (Mélisande), Alexandre Duhamel (Golaud), Jérôme Varnier (Arkel), Janina Baechle (Geneviève), Maëlig Querré (Yniold), Damien Pass (Le Berger, le Médecin). Chœur et Orchestre national de Bordeaux, dir. Pierre Dumoussaud (Bordeaux, Auditorium, novembre 2020).
Alpha Classic. 3 CD. Présentation trilingue (fr., angl., all.), livret bilingue (fr., angl.). Distr. Outhere.

La production bordelaise de 2018 n’est pas devenue DVD, mais deux ans plus tard, empêchés de la reprendre par l’épidémie de covid, les interprètes ont enregistré l’œuvre, dirigés par Pierre Dumoussaud et non plus par Marc Minkowski. Le jeune chef se remarque aussitôt, par son sens du théâtre et des atmosphères, installant un climat sombre et inquiétant, rien moins qu’impressionniste – obscurité oppressante des souterrains, violence de la scène entre Yniold et Golaud, mais l’orchestre frémit pour l’ultime rencontre entre Pelléas et Mélisande. La lumière, ici, ne pénètre guère dans Allemonde. On peut certes trouver, au sein d’une discographie très riche, phalanges plus superlatives, colorations plus variées, mais tout se situe haut. La distribution aussi, Stanislas de Barbeyrac confirmant que Pelléas peut être – ou est, pour nous, tout simplement – un ténor. À condition, certes, que la voix, comme chez lui, garde du corps à partir du médium alors qu’elle émettra les aigus beaucoup plus aisément – même si, étant donné la tessiture du demi-frère de Golaud, ils ne seront pas tout à fait ceux d’un rôle de ténor traditionnel. Et voici un Pelléas d’une jeunesse mûre, rien moins qu’adolescent, d’une intensité passionnée. Pas plus évanescente, Chiara Skerath, timbre tout de séduction fruitée, préserve malgré tout le mystère de Mélisande, sans toutefois entrer dans son rôle aussi naturellement, un peu affectée parfois. Alexandre Duhamel, en revanche, même si l’on pourrait le souhaiter plus ambigu, impressionne en Golaud rugueux, à la fois pitoyable et violent, dans la lignée des meilleurs malgré un aigu assez mat.  Pour les autres, c’est selon. Jérôme Varnier a la profondeur et la noblesse d’Arkel, moins patriarche que de coutume, la Geneviève de Janina Baechle essaie de plier à la prosodie française une voix pas toujours homogène, la jeune Mäelig Querré fait l’enfant en Yniold, pas vraiment crédible pour autant. Ce n’est pas le Pelléas du siècle, mais ce n’est pas un Pelléas de plus.  Et il faudra compter avec Pierre Dumoussaud.

 Didier van Moere