Antonella Colaianni (Ernestina), Giulio Mastrototaro (Gamberotto), Emmanuel Franco (Buralicchio), Patrick Kabongo (Ermanno), Eleonora Bellocci (Rosalia), Sebastian Monti (Frontino). Gorecki Chamber Choir, Virtuosi Brunensis, dir. Jose Miguel Perez-Sierra. Mise en scène et décors : Jochen Schönleber, costumes : Sandra Li Maennel Saavedra, lumières : Oliver Porst. Réalisation : Philippe Ohl. Enregistrement sur le vif, 2018.
Naxos 2.110696 (1 DVD) Notice et synopsis anglais-allemand. Distr. Outhere.

Bad Wildbald affichait dès 1993 ce dramma giocoso disparu de la scène peu après sa création en 1811, une reprise à laquelle ferait écho en 2001 celle confiée au maestro concertatore Alberto Zedda, au programme du même festival. La présente captation reflète quant à elle la fidélité de cette manifestation à un ouvrage dont les audaces émoustillantes ne manquent jamais d’inspirer aux interprètes et metteurs en scène de tout poil, coquineries et jeux de scène plus ou moins salaces. Le livret leur offre sur un plateau l’occasion de se déboutonner. Son sujet, anodin au premier abord, repose sur les épaules d’une certaine Ernestina que son père enrichi destine à un alter ego stupide alors qu’elle est éprise d’un jeune sans fortune. Les choses se compliquent cependant lorsque pour écarter ce rival désigné, l’amoureux transi fait accroire à ce dernier que la belle serait en fait un castrat déguisé en femme depuis qu’il a déserté l’armée. Ernestina/tino connaîtra la prison avant qu’un dénouement heureux ne lui permette d’épouser son aimé. Le texte de ce canevas alambiqué s’avère, de plus, gorgé d’allusions graveleuses enrobées dans les jeux de mots qui le rythment. Le risque pour tout régisseur plus soucieux de titiller la corde érotico-comique que de vibrer aux subtilités musico-théâtrales du belcanto rossinien, est bien sûr de verser dans la vulgarité racoleuse. Jochen Schönleber, fondateur du festival , s’abandonne ici à cette tentation avec une coupable volupté. Son délire gestuel de dessin animé et de cabaret façon Michou tient du détournement d’ouvrage mineur. La constante focalisation des mots et des gestes sur l’arrière train de tel ou tel protagoniste de ce petit monde déjanté conduit en somme à une manière de tourne-dos rossinien. Chacun, dès lors, y va de ses bouffonneries, rehaussées par des atours hyper-colorés que flatte un éclairagiste complice. Le père imbus de son autorité nous vaut les bramements d’un Mastrototaro, habitué des lieux, plus tonitruant que de nature, quand sa fille, l’éclectique mezzo Antonella Colaianni, conjugue les appas vocaux d’une Carmen avec les déhanchements vocaux du Rossini buffo. L’intonation, plus qu’incertaine, gâte hélas ce qui pourrait être une prestation décoiffante. Son amoureux trouve en Patrick Kabongo un ténor gouleyant, de timbre capiteux un rien à découvert dans ses contorsions vocalisantes , face à son rival campé par un Emmanuel Franco, propre à exacerber la vacuité de son être en un chant passe-partout. Les autres participent d’une égale ébriété, partagée par un chœur d’hommes vêtus de kilts et de tabliers féminins, tout aussi délirant. Les seconds plans ne sont au demeurant pas les plus critiquables. Il revient au très idiomatique Perez-Sierra, de laver Rossini de tous les péchés (de jeunesse ) ici commis en son nom, à la tête d’un orchestre pimpant aux cordes souvent floues.

Jean Cabourg