Detlef Roth (Benedetto Marcello), Johannes Kalpers (Johann Adolf Hasse), Melba Ramos (Faustina Bordoni), Margarete Joswig (Rosana Scalfi). Orchestre de la SWR Kaiserslautern, dir. Grzegorz Nowak (live, Bad Urach, 4 octobre 2002).
Sterling. 2 CD. Présentation bilingue (all., angl.). Distr. Outhere.

Il y a les Stradella de Franck et de Flotow, le Palestrina de Pfitzner…  et le Benedetto Marcello de Joachim Raff. On aime les œuvres symphoniques du protégé de Mendelssohn et de Liszt – dont il s’éloigna ensuite. Par six fois, il s’essaya à l’opéra, mais sans succès… certains n’ayant même pas été représentés, tel ce Marcello, dont on entend ici, en concert, la première mondiale. Il est vrai que l’on peut s’interroger sur la vocation théâtrale de Raff : on croit parfois plutôt entendre un oratorio. Si les pages orchestrales confirment son savoir-faire en matière de timbres, l’Interlude du deuxième acte et le Prélude du troisième notamment, il ne sait pas créer la tension propre à la scène, peu porté par le livret écrit de sa main. L’histoire se réduit en effet à la jalousie de Marcello à l’endroit de son collègue Hasse, qui lui prend pour l’épouser son élève préférée, la célèbre Faustina Bordoni… avant que lui-même quitte Venise au bras d’une autre élève, la petite Rosana Salfi, éperdument éprise de lui, qui deviendra aussi sa femme. La scène où l’Allemand manque de trucider l’Italien en duel, par exemple, reste assez convenue. Raff ne lorgne guère, de toute façon, vers la « musique de l’avenir », regardant plutôt en arrière, avec un très rossinien crescendo dans le Prélude, alors que son opéra date de 1878 – deux ans après la création du Ring à Bayreuth. N’en soyons pas moins reconnaissants au festival de Bad Urach d’avoir ressuscité ce Benedetto Marcello dans une interprétation tout à fait estimable. Seule la Faustina de Melba Ramos pourrait avoir la vocalise et l’aigu plus heureux dans un rôle de colorature. Maragarete Joswig déploie un beau mezzo en Rosana, Johannes Kalpers, malgré quelques aigus forcés, assume fort bien le ténor de Hasse et l’on reconnaît à travers le Marcello de Detlef Roth le baryton de classe dont le Papageno ou le Wolfram ont laissé des souvenirs. Grzegorz Nowak ne peut pas donner à l’œuvre ce qui lui manque, mais la dirige avec enthousiasme et souligne les jolies couleurs de l’orchestre de Raff. Une curiosité plus qu’une révélation, qui s’écoute agréablement… non sans une pointe d’ennui parfois.

Didier van Moere