Natalia Rubis (Faniska), Krystian Adam (Rasinski), Katarzyna Belkius (Edwige), Robert Gierlach (Zamoski), Tomasz Rak (Oranski), Justyna Ołów (Moska), Piotr Kalina (Rasno) ; Choeur de chambre de Poznan, Orchestre philharmonique de Poznan, dir. Łukasz Borowicz. Live 2020. Notice en anglais. Pas de livret.
CD Dux 1694-1695. Distr. DistrArt Musique.

Singspiel en trois actes créé à Vienne en 1806, sur un livret de Johann Sonnleithner inspiré de la pièce française de Pixérécourt, Les Mines de Pologne, Faniska apparaît un peu comme le remake quinze ans plus tard de la fameuse Lodoïska, opéra-comique à sauvetage dont son scénario est quasiment le décalque. Ici aussi l'héroïne a été enlevée par un potentat malfaisant amoureux de sa beauté mais, pour ajouter un supplément de pathos, le librettiste en a fait une mère. Tout l'enjeu est bien sûr de la délivrer, ce à quoi parviendra seul au final son mari, avec l'aide d'un couple de serviteurs bienveillants.

Le style de l'œuvre parait d'une ampleur nettement plus « seria » que celui de son « modèle » français, surtout dans les deux premiers actes, et laisse soupçonner que Cherubini a voulu synthétiser des éléments hérités de l'opéra italien avec son langage habituel afin d'impressionner favorablement les Viennois. Exactement contemporain de Fidelio, on peut se demander, à l'écoute de la scène de la prison et du trio des retrouvailles entre l'épouse, son mari et sa fille, au deuxième acte, si, dans cet opéra, l'influence dans ce cas n'a pas changé de sens et si Beethoven (qui assista ainsi qu'Haydn à la première) n'a pas inspiré le compositeur franco-italien, en partie via son librettiste.

La partition offre à côté de grandes scènes pour le rôle-titre, de remarquables ensembles, de splendides préludes (notamment celui de l'acte III) et de beaux finales, quelques numéros typiques (ronde des paysans, cavatines pour les personnages secondaires, deux marches militaires), une orchestration raffinée et une inspiration mélodique renouvelée, mais il lui manque une véritable tension dramatique pour captiver l'auditeur au delà de ses qualités musicales. L'intérêt se relâche du reste singulièrement à partir du troisième acte qui n'est qu'un épilogue assez conventionnel. L'absence des dialogues dans cette réalisation, basée sur une version italienne due à Luigi Previdali, renforce l'impression d'entendre un anthologie à laquelle manque le liant théâtral.

Dirigée avec une belle conviction par Lucasz Borowicz à la tête de l'excellent orchestre de Poznan, cet enregistrement se recommande pour l'homogénéité de sa distribution au milieu de laquelle se distingue particulièrement le baryton-basse Robert Gierlach dans le rôle du méchant Zamoski. Natalie Rubis, en revanche, sans démériter tout à fait, paraît un peu à la limite de ses moyens naturels face à la longue tessiture du rôle-titre, singulièrement dans la grande scène de la prison.

Si cette première élargit un peu plus notre connaissance de l'œuvre de Cherubini, elle laisse l' impression mitigée d'un superbe métier mais d'une inspiration au souffle limité.


Alfred Caron