Pavel Pontriaguine (Kachtcheï), Natalia Rojdestvenskaïa (la Tsarine de la Suprême Beauté), Pavel Lissitsian (le prince Ivan Korolevitch), Ludmila Legostaïeva (Kachtcheïevna), Konstantin Polialiev (le Paladin Tempête). Orchestre et Chœur de la Radio de Moscou, dir. Samuel Samossoud (1949).

Melodiya MEL CD 10 02605. Distr. Outhere. Présentation en russe et en anglais. Pas de livret.

 

Éditée par Melodiya en 2019 afin de souligner le 175e anniversaire de naissance de Rimski-Korsakov, cette admirable version de Kachtcheï l'immortel ne doit pas être confondue avec le premier enregistrement que Samuel Samossoud réalisa un an plus tôt, en 1948. Le risque de méprise est d'autant plus grand que le disque qui nous intéresse ici affiche le même orchestre et une distribution masculine identique. À la tête de l'Orchestre de la Radio de Moscou, le chef propose une lecture absolument captivante de ce bref opéra où l'on voit comment l'horrible sorcier Kachtcheï, qui tient captive la tsarine de la Suprême Beauté, perd son immortalité le jour où sa fille verse une première larme. Tant pour le déferlement de la tempête de neige que la sensualité débordante de la séductrice Kachtcheïevna, ou encore l'exultation finale de la tsarine et de son fiancé, les musiciens créent des atmosphères envoûtantes qui nous plongent dans cet univers, où le merveilleux des contes populaires russes s'exprime dans un langage musical aux résonances parfois très wagnériennes.

Dans le rôle du prince Ivan Korolevitch (le bien-aimé de la tsarine), le baryton Pavel Lissitsian est tout simplement idéal grâce à un timbre à la fois doux et viril mis au service d'un chant au raffinement exquis. Le contraste est saisissant avec le Kachtcheï détestable à souhait du ténor Pavel Pontriaguine, qui sait fort bien rendre sa voix criarde ou désagréable, mais jamais de façon excessive ou caricaturale. Konstantin Polialiev possède toute l'autorité vocale que requiert le Paladin Tempête, personnification des forces parfois extrêmement violentes de la nature. Du côté féminin, on se situe nettement au-dessus de la version antérieure. Alors que Viera Gradova faisait entendre un timbre assez pointu, Natalia Rojdestvenskaïa (mère du chef Guennadi Rojdestvenski) nous enchante par l'opulence de ses moyens et la sensibilité de son interprétation. Avec sa voix plus charnue que sa devancière Antonina Klestchova, la mezzo-soprano Ludmila Legostaïeva traduit avec davantage d'éloquence les sortilèges de la fille de Kachtcheï, puis son désarroi amoureux. Si l'on ajoute que le travail de remastérisation confère une grande clarté à la prise de son, on comprendra aisément que cet enregistrement ait été choisi pour célébrer la mémoire de Rimski-Korsakov.

 

Louis Bilodeau