Molly Netter, Margot Rood, Teresa Wakim (sopranos), Virginia Warnken, Sophie Michaux (mezzo-sopranos), Aaron Sheehan, Brian Giebler, Jason McStoots (ténors), John Taylor Ward, Jesse Blumberg, Olivier Laquerre (barytons).

Boston Early Music Festival Vocal & Chamber Ensembles, dir. Paul O’Dette et Stephen Stubbs.

CPO 555 097-2 (1 CD). 1h13’. 2019. Notice en français.

 

Les deux pièces vocales ici exhumées datent de 1683, c’est-à-dire des débuts de la carrière versaillaise de Michel-Richard de Lalande (1657-1726), qui, la même année, obtient la charge de l’un des quartiers de la Chapelle royale. Adoubé par Louis XIV puis par Louis XV, il assumera ensuite celle des quatre quartiers – ce qui l’incitera à composer une centaine de motets, mais lui laissera peu de temps pour se consacrer au genre profane. À l’écoute des Fontaines de Versailles, on ne peut que le regretter. Certes, il s’agit d’une pièce de circonstance dont le texte chante avec trop de prolixité la gloire du Roi-Soleil et, certes, on y trouve encore bien des fadaises pastorales, mais le sujet en est ingénieux : le poète Antoine Morel y donne la parole aux célèbres fontaines mythologiques du château, où la cour ne s’était fixée que l’année précédente. Delalande prouve dans cette partition, non seulement sa science de la palette orchestrale (chaconne, air de Flore, ensemble final), mais aussi sa fécondité mélodique et son aptitude à varier les climats – Lully, qui était encore vivant et ne possédait pas les mêmes dons, dut en faire une jaunisse… Les meilleurs moments de l’œuvre sont les plus sombres : impressionnant récit du géant Encélade, soutenu par le consort des cordes graves, précédé et suivi d’un presto italianisant, bouleversant trio « Plaintes, regrets, inutiles alarmes », dont les harmonies annoncent Rameau. Les autres pièces au programme (la cantate Le Concert d’Esculape pour la guérison de la Dauphine et la « Grande pièce royale » en sol mineur issue des Symphonies pour les soupers du Roy) sont moins marquantes mais parfaitement mises en valeur par un orchestre de chambre aux couleurs printanières et une direction pleine d’élégance et de vivacité. Côté chanteurs, le constat est plus mitigé : si certains tirent bien leur épingle du jeu, comme les deux principaux barytons (Jesse Blumberg et surtout John Taylor Ward, crédible Encélade) ou le toujours suave ténor Aaron Sheehan (hélas réduit à la portion congrue), l’accent exotique des sopranos et seconds ténors découragera l’auditeur français – quant au troisième baryton, il chante carrément faux…

 Olivier Rouvière