Carlos Álvarez (Don Giovanni), Rafal Siwek (Le Commandeur), Irina Lungu (Donna Anna), Saimir Pirgu (Don Ottavio), Maria José Siri (Donna Elvira), Alex Esposito (Leporello), Christian Senn (Masetto), Natalia Roman (Zerlina), Chœur et Orchestre des Arènes de Vérone, dir. Stefano Montanari, mise en scène : Franco Zeffirelli (Vérone 2015).
Cmajor 751808. Notice et synopsis trilingues, dont français. Distr. DistrArt Musique.

Cela commence mal : sa tenue très « cuir » et tapageuse ne suffit pas à Stefano Montanari pour faire montre d’autorité, tenir les rênes d’un orchestre peu impliqué (cordes fausses, bois pas en place) et éviter des tempi erratiques dans l’ouverture ; par la suite, la hâte remplacera souvent l’énergie, et la prise de son mettra d’ailleurs l’orchestre très (trop) à l’arrière. Cela continue alla Zeffirelli : décor de palais fastueux meublant la vaste scène, costumes à l’avenant (signés Maurizio Millenotti) – c’est illustratif (lieux et époque), luxueux en dépit du bon sens (le mariage paysan, écrasé sous les rubans et les couleurs), d’un remplissage inutile (les dizaines de figurants, de la marchande des quatre-saisons à l’acrobate, de l’aubergiste à la fille de joie) que la caméra d’Andrea Bevilacqua ne sait ni lire ni organiser.

La distribution masculine n’est pas sans atouts, à commencer par le Leporello d’Alex Esposito, digne valet de son maître, d’un charisme vocal et physique sûr. Commandeur digne, Ottavio honnête (néanmoins sans cette suprême aisance qui seule peut faire aimer ses lignes éperdues), mais Masetto bien court de timbre et de souffle. Quant à Carlos Álvarez, la vidéographie le documentait déjà à Vienne (1999, DVD TDK), à Madrid (2005, DVD Opus Arte) et – dans une commercialisation plus marginale – à Milan (2006, DVD Encore). Dix à quinze ans plus tard, son Giovanni est encore en possession de ses moyens. Mais le voici bien peu concerné, à part les effets de cape et de grosse voix : le Champagne est éventé, sans esprit ni pétillant ; la Sérénade lourdement déclamée, sans poésie aucune. Quant aux femmes, l’oreille les fuira – à l’exception de la noble Anna d’Irina Lungu, même si la ligne n’est pas sans atermoiements : Elvira frôle la mégère (vibrato relâché, chant appuyé, vocalisation en défaut et costume peu seyant) et Zerlina est sans fraîcheur (timbre élimé, « Batti, batti » en vraie déroute d’intonation et de soutien). Tous jouent à jouer, dans l’optique d’une tradition du geste et de l’intention où rien n’est à contre-sens mais où peu est vécu. Gênant de bout en bout, le continuo sonne inexplicablement comme un faux clavecin des seventies (timbre de piano synthétique malgré son apparence d’instrument ancien et style sirupeux digne d’un sous-Morricone bien qu’il soit tenu par le chef).

Si le spectacle est bien adapté aux dimensions des arènes de Vérone et à la vision littérale et spectaculaire qu’on y attend, cette quarante-quatrième (!) version éditée de Don Giovanni allonge le… catalogue vidéo, mais ne s’imposait certes pas (voir notre mise à jour vidéographique dans la dernière édition de L’Avant-Scène Opéra / Don Giovanni, n° 172).

Chantal Cazaux