Magali Léger (Catherine/Katrina), Florian Laconi (Gustave/Saint-Elme), Marc Barrard (Rabastens/Trafalgar), Kölner Akademie, dir. Michael Alexander Willens (2018).
CPO 555 268-2. Présentation en allemand et en anglais. Distr. DistrArt Musique.

Voici un disque fort bienvenu, qui joint au plaisir musical celui de la découverte. Car non content de proposer une très bonne version de la délicieuse Pomme d'Api (1873), le chef Michael Alexander Willens offre le premier enregistrement de Sur un volcan, comédie à ariettes en un acte d'Ernest L'Épine (1826-1893) qui faisait partie du programme de la soirée inaugurale des Bouffes-Parisiens du passage Choiseul, le 29 décembre 1855. Si Offenbach remporta ce soir-là un triomphe extraordinaire avec Ba-Ta-Clan, le secrétaire du comte de Morny n'eut pas la même chance, puisque son ouvrage essuya un échec lamentable et quitta l'affiche après cette unique représentation. Grâce aux recherches inlassables de Jean-Christophe Keck qui a retrouvé toutes les pages de la partition à la suite d'une véritable enquête policière évoquée dans le livret d'accompagnement, nous savons maintenant qu'Offenbach a orchestré et révisé l'ensemble de l'œuvre en tant que collaborateur anonyme. Se situant à Dublin en 1806, l'intrigue de Joseph Méry (futur librettiste de Don Carlos) s'articule autour des émois amoureux de deux officiers de la marine française qui menacent de faire sauter la ville en mettant le feu à un énorme baril de poudre entreposé dans leur sous-sol. Après en avoir pincé pour la charmante comédienne Katrina, le vieux loup de mer Pierre (dit Trafalgar) la cède de bon cœur à l'enseigne de vaisseau Saint-Elme... et renonce évidemment à ses projets belliqueux. Donné ici dans une version avec narrateur, la pièce – qui a retrouvé les feux de la rampe à Paris (Théâtre Mogador) et Bad Ems en 2005 – possède d'indéniables qualités mélodiques et orchestrales, à commencer par une ouverture du plus bel effet.

La direction souple, légère et pétillante de Michael Alexander Willens convient admirablement aux deux œuvres, à l'équilibre si délicat entre les dimensions tendrement nostalgiques et franchement désopilantes. En dépit d'une voix commençant à accuser les premiers effets de l'âge, Marc Barrard campe de truculents Rabastens et Trafalgar qui s'incrustent durablement dans la mémoire. Avec son timbre clair et son excellente diction, Florian Laconi endosse avec une grande sensibilité les figures attachantes de Gustave (rôle écrit à l'origine pour soprano en travesti) et de Saint-Elme, dont il traduit bien l'ardeur amoureuse. Seuls quelques aigus difficultueux entachent ses superbes interprétations, remarque s'appliquant aussi à Magali Léger, qui fait toutefois entendre un chant soigné et plein d'alacrité en Catherine (dite Pomme d'Api) et Katrina. Après avoir révélé récemment l'important tableau chorégraphique du Royaume de Neptune (dans la version d'Orphée aux Enfers donnée en août 1874 à la Gaîté), CPO poursuit bellement sa mission d'exploration du répertoire offenbachien.

 

Louis Bilodeau