Carlo Allemano (Cosroe), Cristina Alunno (Siroe), Leslie Visco (Medarse), Roberta Invernizzi (Emira), Daniela Salvo (Laodice), Luca Cervoni (Arasse), Orchestre du Théâtre San Carlo de Naples, dir. Antonio Florio (live 2018).
Dynamic (3 CD). 2h37. Notice en italien et anglais. Distr. Outhere.

 

Métastase n’a pas trente ans lorsqu’il écrit, pour Venise, son second livret : Siroe (1726), pièce brillantissime toute en chausse-trapes et retournements que Leonardo Vinci est le premier à mettre en musique – le texte sera encore utilisé une trentaine de fois, notamment par Vivaldi et Porpora en 1727, puis Haendel en 1728. Vinci bénéficie d’une distribution prestigieuse : le grand Nicolino (rentré de Londres où il a créé Rinaldo et Amadigi) campe le prince Siroe, injustement accusé de trahison par son père, le roi de Perse Cosroe, incarné par le ténor Giovanni Paita (premier Bajazet de Gasparini), tandis que Medarse, frère envieux de Siroe, est dévolu au radieux Carestini et qu’Emira, la fiancée de Siroe qui veut tuer Cosroe, revient à la Bulgarelli, protectrice de Métastase. Notons que cette dernière avait passé les quarante ans, tandis que Nicolino avait franchi la barre des cinquante : ce qui explique que leurs airs soient plus syllabiques qu’ornementés, à l’inverse de ceux prévus pour Carestini, alors âgé de vingt-six ans. Aisée, mélodique, animée par de fréquents motifs en ostinato, la musique apparaît inégale et tend à se bonifier à mesure que l’action s’intensifie - bel air avec cors de Laodice « Se il caro figlio », efficace aria di sdegno d’Emira, « Facciano il tuo spavento », à l’acte III.

Mais il est difficile de se faire une idée précise d’une partition qui a ici été amputée de cinq airs – sans que la notice de Dinko Fabris nous éclaire sur ces coupures. On aurait préféré que celles-ci se concentrent sur les longs récitatifs, difficiles à goûter au disque. Il en allait peut-être autrement sur la scène du San Carlo de Naples, où l’opéra a été capté. En 2011, Antonio Florio, spécialiste du baroque napolitain, avait déjà exhumé, à la tête de ses Turchini, la Rosmira du même Vinci (pour le même éditeur et avec autant de coupures…) : ici, il dirige l’orchestre du théâtre, renforcé par quelques familiers de la musique ancienne. En termes de phrasés, effectifs et nuances, le résultat est probant mais on regrette quelques sonorités métalliques (les hautbois) et la trop grande prudence du chef. Un certain hiatus se fait jour entre celle-ci et le chant parfois presque vériste d’Allemano, baryténor fort expressif, malgré une voix à la trame un peu lâche. Des trois sopranos, c’est l’incisive et piquante Visco qui prend le plus de risques tandis que Salvo se montre bien tiède et qu’Invernizzi dissimule habilement l’usure de son timbre. L’alto assez fruste d’Alunno et le ténor léger de Cervoni complètent un casting qui n’évoque que de loin les fastes de la création…

Olivier Rouvière