Stéphane Degout (Hamlet), Sabine Devieilhe (Ophélie), Laurent Alvaro (Claudius), Sylvie Brunet-Grupposo (Gertrude), Julien Behr (Laërte), Jérôme Varnier (le Spectre), Kévin Amiel (Marcellus/Second Fossoyeur), Yoann Dubruque (Horatio/Premier Fossoyeur), Nicolas Legoux (Polonius). Les éléments, Orchestre des Champs-Élysées, dir. Louis Langrée. Mise en scène : Cyril Teste (Paris, Opéra-Comique, 19 & 21 décembre 2018).
Naxos 2.110640. Présentation et synopsis bilingues (angl., fr.). Distr. Outhere.


C’était un des grands spectacles de la saison passée. L’école française ressuscitait à Favart le Hamlet d’Ambroise Thomas – de la très belle musique, n’en déplaise à Chabrier. Le DVD confirme en général les qualités de la production. La mise en scène de Cyril Teste y gagne d’ailleurs, du moins en partie : on apprécie la finesse de la direction d’acteurs, au statisme très habité. Mais les va-et-vient entre la scène, les coulisses, la salle et le foyer n'en sentent pas moins le déjà-vu – en particulier dans le Don Carlos de Peter Konwitschny. Pour la vidéo, c’est selon : les images de la mort d’Ophélie, plastiquement très belle, séduisent beaucoup, même très proches du Tristan de Bill Viola, mais la reproduction des visages sur un écran, là encore, rappelle trop de souvenirs.

Musicalement, on est à la fête. Stéphane Degout phrase avec un extrême raffinement son Hamlet marginal, moitié clochardisé, quasi autiste, perdu au milieu d’un monde au design glacial, la voix de velours allant au fond du moindre mot. On était habitué à l’Ophélie hystérique de Natalie Dessay : voici la lumineuse Sabine Devieilhe, ligne et timbre d’une pureté de cristal, qui n’a rien à lui envier pour l’aigu et le suraigu. Un couple idéal, en somme. Magnifique Sylvie Brunet-Grupposo en mère coupable, une certaine distorsion des registres servant les déchirements du personnage, alors que le Claudius inquiet de Laurent Alvaro convainc un peu moins que dans la salle, où les nuances gardaient plus de corps. On a, comme toujours à Favart, trouvé les meilleurs pour les rôles secondaires – Spectre plein de noblesse et de profondeur de Jérôme Varnier, Laërte de luxe de Julien Behr…

Louis Langrée restitue les tensions et les couleurs de l’orchestre d’Ambroise Thomas – finale du deuxième acte remarquablement tenu, poésie raffinée de celui de la mort d’Ophélie –, qu’il inscrit dans l’héritage berliozien et pas seulement dans les pompes du grand opéra. L’Orchestre des Champs-Élysées donne le meilleur de lui-même, comme l’excellent chœur de Joël Suhubiette.


Didier van Moere