Lothar Odinius (Guido), Elena Puszta (Annina), Götz Zemann (Bartolomeo Delaqua), Elisabeth Pratscher (Barbara Delaqua), Alexander Geller (Caramello), Ivan Oreščanin (Pappacoda), Sieglinde Feldhofer (Ciboletta), Stefanie Hierlmeier (Agricola Barbaruccio), Dominika Blazek (Constantia Testaccio). Orchestre philharmonique de Graz, Chœur de l'Opéra de Graz, dir. Marius Burkert (2018).
CPO 555 235-2. Présentation et synopsis allemand et anglais. Distr. DistrArt Musique.


Connu principalement par ses enregistrements en provenance du Festival Lehár de Bad Ischl, Marius Burkert avait rarement soulevé notre enthousiasme jusqu'à présent dans ses interprétations de Carl Millöcker, Leo Fall, Franz Lehár ou Nico Dostal. Est-ce l'effet de la musique de Johann Strauss fils combiné à celui de se retrouver à l'Opéra de Graz, où il venait de donner une série de représentations de cette Nuit à Venise dans la mise en scène de Peter Langdal ? Toujours est-il que le chef, véritablement métamorphosé, donne ici la pleine mesure de son talent dans une lecture extrêmement séduisante de cette partition – dans la révision effectuée par Korngold en 1923 – dont il réussit merveilleusement à faire ressortir la sensualité débordante grâce à un choix très juste des rythmes et à un art consommé du ritardando. Si, à la tête de l'Orchestre philharmonique de Graz qui lui obéit au doigt et à l'œil, il réussit à parfaitement modeler les phrases langoureuses et à conférer beaucoup d'énergie à l'œuvre, il doit malheureusement composer avec un chœur aux qualités plus discutables et surtout avec une distribution aux mérites limités. L'enthousiasme et l'ardeur sont certes méritoires, mais le bel esprit d'équipe ne saurait compenser l'insuffisance technique. Bien qu'éminemment sympathiques, les Guido, Annina, Ciboletta et Caramello de Lothar Odinius, Elena Puszta, Sieglinde Feldhofer et Alexander Geller se laissent bien vite oublier. Comment vraiment succomber, par exemple, à « Komm in der Gondel » du Caramello plein de bonne volonté mais sans grande envergure d'Alexander Geller, alors que l'envoûtante mélodie requiert une suprême aisance sur toute la tessiture, comme l'illustrent si bien Erich Kunz, Fritz Wunderlich et Nicolai Gedda ? En raison de ces importantes lacunes vocales, cette nouvelle Nuit à Venise ne vient donc pas bouleverser la discographie, dominée depuis 1954 par la superbe version d'Otto Ackermann, avec Schwarzkopf, Gedda et Kunz.

 

Louis Bilodeau