Georg Völker (le comte von Eberbach), Hilde Rössel-Majdan (la Comtesse), Waldemar Kmentt (le baron Kronthal), Irmgard Seefried (la baronne Freimann), Anny Felbermayer (Nanette), Karl Dönch (Baculus), Renate Holm (Gretchen), Peter Klein (Pancratius). Chœur et Orchestre de l'Opéra d'État de Vienne, dir. Heinz Wallberg (live, 31 octobre 1960).
Orfeo C 786 1021 (2 CD). Présentation et synopsis en allemand et en anglais. Distr. DistrArt.

Le soir du 31 octobre 1960, l'Opéra de Vienne dévoilait sa nouvelle production – sa quatrième depuis 1888 – du Wildschütz (Le Braconnier) de Lortzing. Les micros ont heureusement préservé le souvenir de cette représentation qui donne une bonne idée du fameux esprit de troupe prévalant au Staatsoper dans ces années légendaires de l'ère Karajan. La comédie est ici pétillante, car servie par une équipe formidablement soudée qui sait comme nulle autre atteindre à la perfection jubilatoire dans les superbes ensembles de la partition, comme le quatuor « Was meint Ihr, lieber Freund » ou le « quintette du billard » du deuxième acte. Ce que l'on perd parfois en beauté purement vocale, on le gagne en vivacité et en truculence. Ainsi en est-il de Karl Dönch, baryton-basse au timbre assez quelconque, mais absolument impayable en vieil instituteur grotesque suspecté d'avoir chassé sur les terres du comte von Eberbach et prêt à renoncer à sa jeune fiancée pour 5000 thalers. L'air où il exulte à l'idée de toucher la coquette somme lui vaut d'ailleurs une ovation méritée du public viennois. Même s'il n'est pas au sommet de sa forme et ne peut faire oublier Fritz Wunderlich dans l'intégrale de Robert Heger (EMI), Waldemar Kmentt est un baron Kronthal de grande classe. La baronne Freimann d'Irmgard Seefried est quant à elle tout simplement exquise dans un rôle à travestissements multiples. Son chant est un modèle de naturel, d'aisance et de goût, toutes qualités réunies également chez Renate Holm, qui faisait ce soir-là ses débuts à l'Opéra de Vienne. Sa Gretchen, fiancée de Baculus, est idéale de fraîcheur et d'intelligence musicale. Outre les très bons Georg Völker et Hilde Rössel-Majdan en comte et comtesse von Eberbach, on accordera une mention spéciale au chœur de l'Opéra et aux Petits Chanteurs de Vienne, adorables dans leur brève intervention du dernier acte. Un peu mollasson au début de l'ouverture, Heinz Wallberg se ressaisit rapidement pour proposer une lecture alerte et on ne peut plus réjouissante d'un ouvrage injustement méconnu en-dehors de l'Allemagne et de l'Autriche.

Louis Bilodeau