Dara Savinova (Ercole/Alcide), Federica Pagliuca (Deianira), Riccardo Angelo Strano (Acheloo), Aurelio Schiavoni (Eneo), Ensemble barocco dell’Orchestra internazionale d’Italia, dir. Antonio Greco (2014).
Bongiovanni (2 CD). 1h35. Notice en italien, anglais. Distr. DOM.

 
Compositeur, claveciniste, maître de chapelle, évêque, conseiller secret, Agostino Steffani, Italien né en Vénétie (1654) et décédé à Francfort (1728), commence à être reconnu comme le parfait « chaînon manquant » entre l’art lyrique du XVIIe, d’ascendance vénitienne, et celui du XVIIIe, prioritairement napolitain. Mieux : ayant fait l’essentiel de sa carrière en territoire allemand, mais s’étant aussi produit à Paris et Bruxelles, il anticipa l’esthétique des goûts réunis qu’illustreront notamment les opéras hambourgeois et haendélien. Il est ainsi le premier à avoir généralisé l’insertion de ballets et ouvertures à la française dans ses ouvrages en italien – comme le montrent, par exemple, les enregistrements récents de ses grands opéras, Niobe, regina di Tebe (Erato, 2013 et Opus Arte, 2010) et Orlando generoso. Le combat d’Hercule et d’Achéloos (1689), pour sa part, n’est pas un opéra mais un « divertissement dramatique » (écrit pour fêter la naissance d’un prince anglais apparenté à la cour de Hanovre), c’est-à-dire une œuvre moitié moins longue, en un seul acte et ne faisant appel qu’à quatre interprètes (deux sopranos et deux altos – dont trois castrats, sans doute). Le prétexte en est minimal : Déjanire hésite entre deux prétendants, Hercule et le fleuve Achéloos, et se décide pour le premier après sa victoire à la lutte sur le second.

Contrairement à ce que prétend la notice du coffret, l’œuvre avait déjà été gravée – par l’Ensemble baroque de l’Ouest (BNL, 1992). En outre (ce que la notice omet aussi de dire), ce divertissement était connu pour une autre raison : Haendel le pilla allègrement en composant son sublime oratorio Theodora ! Les curieux reconnaîtront ainsi quelques-unes des mélodies marquantes de l’oratorio dans les airs « Se il mio seno » (Deianira, scène 1) et « La cerasta più terribile » (Alcide, scène 7). Récitatifs expressifs, arias brèves mais souvent dotées de da capo (une vingtaine), tantôt soutenues par le continuo, tantôt agrémentées d’instruments mélodiques (violons, flûtes), basses de lamento, ballets faisant la part belle aux hautbois : la musique est vive et variée, mais gagnerait à des développements - que Haendel, justement, lui fournira. Et gagnerait encore à être mieux servie : orchestre sans grande précision, direction bien sage, Déjanire à la voix acidulée de gamine, Énée hésitant… On ne sauvera de cette interprétation que l’Achéloos parfois émouvant du contre-ténor Strano et, surtout, l’Alcide (Hercule) timbré, incisif bien qu’un peu métallique de la soprano Savinova. On remerciera en revanche l’éditeur pour la présence du livret intégral – une attention qui devient rare !

Olivier Rouvière