Warner Classics 0190295499570. 30 CD. Présentations trilingues (dont français), aucun synopsis. Distr. Warner Music.

Pour le bicentenaire de la naissance d’Offenbach, le fonds ne manquait pas, même si La Grande-Duchesse de Gérolstein et La Fille du tambour-major doivent se réduire aux extraits dirigés par Jean-Pierre Marty et Félix Nuovolone. Mais ce fonds n’était pas toujours anthologique. Pour preuve, les enregistrements de Michel Plasson : s’il reste musicalement très beau, notamment par les couleurs, il n’est pas souvent drôle et pâtit parfois de distributions inégales, surtout quand il convoque, sans doute contraint par l’éditeur, des stars qui n’ont rien à faire avec Offenbach – Jessye Norman en Hélène, Teresa Berganza et José Carreras en Périchole et Piquillo. C’est La Vie parisienne qu’il réussit le mieux, plus encore qu’Orphée aux Enfers, grâce à un cast français restituant la saveur des mots et des notes – la Métella de Régine Crespin, le Gardefeu de Michel Sénéchal, le Brésilien et le Frick de Jean-Christophe Benoît. Rien de grave, de toute façon : l’éditeur vient de réunir en un coffret Orphée, Hélène et La Grande-Duchesse par le bouillant Marc Minkowski.

Pour Les Contes d’Hoffmann, que Plasson, curieusement, n’a pas gravés, le choix ne manquait pas. On aurait pu élire la première version Cluytens, témoignage inégalé d’une époque et d’un esprit, mais on ne connaissait alors que l’édition Choudens. À celle de Michael Kaye par Kent Nagano, on a préféré l’édition de Fritz Oeser par Sylvain Cambreling, intéressant sinon absolu, avec un Neil Shicoff névrotique et un José van Dam grandiose – chez Nagano, il détruisait déjà le Hoffmann du jeune Roberto Alagna.

Hoffmanns Erzählungen ne s’imposait pas, à cause de la platitude de Heinz Wallberg, malgré un beau Siegfried Jerusalem – victime d’un Dietrich Fischer-Dieskau hors style. Fallait-il éliminer d’office les versions en allemand ? Non : elles illustrent le rayonnement d’Offenbach, né à Cologne, en terres germaniques, s’avérant parfois du plus grand intérêt. Certes Willy Mattes, qui lorgne vers Johann Strauss, n’atteint pas des sommets dans Orphée aux Enfers ou La Vie parisienne, mais il offre une Belle Hélène délectable, une de nos préférées même, avec une Anneliese Rothenberger craquante et un Nicolai Gedda incroyable – ils ne sont pourtant pas tout jeunes – et l’Oreste tchatcheur de Brigitte Fassbaender. Et l’excellent Pinchas Steinberg nous révèle la version pour soprano de La Grande-Duchesse, destinée à la future créatrice de Rosalinde dans La Chauve-Souris.

Mais ce coffret de trente disques contient aussi des œuvres rares qui, plus que tout le reste peut-être, en justifient l’acquisition. Les Brigands lyonnais de John Eliot Gardiner régalent toujours autant, même si l’on distribuerait mieux aujourd’hui les rôles féminins. Ba-ta-clan et Les Bavards, exhumés par Marcel Couraud, nous sont opportunément rendus, avec des chanteurs incarnant une certaine tradition d’opérette. De son côté, le vétéran Manuel Rosenthal, plus pétillant que Plasson, redonne vie et pétulance à Pomme d’Api, Monsieur Choufleuri et Mesdames de la Halle, parfait complice de Mady Mesplé, certes plus citronnée encore que chez Plasson, Jean-Philippe Lafont, Charles Burles ou Léonard Pezzino. Rosenthal dirige aussi irrésistiblement son ébouriffante Gaîté parisienne, alors que François Le Roux et Jeff Cohen nous régalent de savoureuses Fables de La Fontaine : deux cerises sur le gâteau.

Didier van Moere