Vanessa Becerra (Cinderella), Jonas Hacker (le Prince), Nathan Stark (le Roi), Stacey Tappan (Griselda), Karin Mushegain (Zibaldona), Mary Dunleavy (la Belle-Mère), Claudia Chapa (Emeline), Brian James Myer (le Ministre), Helen Deutscher (Fille-Fleur), Orchestre, Chœur et Ballet de l’Opéra de San José, dir. Jane Glover, mise en scène : Brad Dalton (San José 2017).
DVD Sony 19075895049. Pas de synopsis ni de notice, présentation d’Alma Deutscher en anglais, sous-titres angl. et all. uniquement. Distr. Sony.


Voici donc le premier opéra d’Alma Deutscher, enfant prodige anglaise née en 2005 (violoniste, pianiste, et compositrice depuis l’âge de six ans) médiatiquement célébrée. Après une version de chambre établie en 2015 puis un second état plus développé et orchestré créé à Vienne en 2016, une nouvelle orchestration-augmentation a été présentée à San José l’année suivante : la voici en DVD. Depuis, l’œuvre a aussi été adaptée pour le jeune public (Vienne, 2018). Ce qui n’apparaît pas forcément nécessaire : son langage très tonal et son style très musical (alternance de parlé-chanté, tournures mélodico-rythmiques volontiers dansantes ou marquant bien la mémoire par leur facilité) rendent l’appréhension de cette partition immédiate et aisée, sans compter la source bien connue de son livret : un conte de fées. La mise en scène de Brad Dalton se situe d’ailleurs exactement dans la lignée d’un Broadway familial où les robes XVIIIe ont des teintes flashy, où les sœurs et la belle-mère criaillent beaucoup tandis que Cendrillon et son Prince sont candides de gentillesse. Il faut dire que le livret, dont on nous dit (dans la presse ou sur internet, car le DVD reste mutique à son sujet) qu’on le doit à Alma Deutscher aidée de plusieurs collaborateurs adultes, ne brille ni par son originalité, ni par sa subtilité. Rien d’indigne au demeurant, pas plus que dans la musique qui pose évidemment au commentateur un cas d’école : doit-on écouter ici l’œuvre en soi ou bien son rapport à l’âge de son créateur ? Dans le premier cas, on restera bien indifférent à un langage désuet tel qu’un certain musical – on y revient – persiste à penser le théâtre lyrique aujourd’hui : c’est bien tourné, c’est même plutôt bien proportionné, ça s’écoute et se chantonne volontiers, mais on n’y retournera pas pour autant vu la banalité du propos et de la forme. Dans le second cas, force est de constater la sidération qui peut saisir à l’idée que tant de savoir-faire, même esthétiquement peu stimulant, provienne d’une plume entre enfance et préadolescence : les leçons, même trop audibles, sont de belle eau (les violons divisés, façon prélude de Lohengrin ou de La Traviata, ou le Rossini du Comte Ory, entre inspiration et franche recopie : on a fait pire comme références ! De même que le Tchaïkovski des ballets a clairement nourri le galbe mélodico-orchestral des moments les plus sentimentaux) et bien menées, le sens dramatique est réel, orchestre et voix sont servis avec probité et l’hymne final, où une réconciliation mozartienne se mâtine de marches harmoniques à septièmes d’espèces très Love Story, est propre à soulever l’enthousiasme d’un public qui aura vu au passage la jeune compositrice jouer, en fosse ou sur la scène, du violon, de l’orgue ou du piano, et avec grâce. Espérons que tant de talent mûrira en son temps, inventant le sien plutôt que se limitant aux recettes du passé.

Chantal Cazaux