Patricia Bardon (Agrippina), Jake Arditti (Nerone), Danielle de Niese (Poppea), Filippo Mineccia (Ottone), Mika Kares (Claudio), Damien Pass (Pallante), Tom Verney (Narciso), Christoph Seidl (Lesbo), Balthasar Neumann Ensemble, dir. Thomas Hengelbrock, mise en scène : Robert Carsen (Vienne, 2016).
DVD Naxos 2.110579-80 (2 DVD). Notice en anglais. Distr. Outhere.


Le naufrage s’annonce dès l’ouverture et Hengelbrock en est le timonier : direction précipitée, brutale, frôlant souvent l’hystérie, négligeant souplesse et nuances, martelant les temps forts et privilégiant les décibels… Difficile d’apprécier le reste sous ce laminoir dont le
Balthasar Neumann Ensemble, trop métallique, se fait le complice. Difficile aussi de dire ce qu’aurait donné la distribution mieux guidée : Patricia Bardon et Jake Arditti, par exemple, auraient les moyens de leurs rôles si l’on s’était attaché à leur en faire saisir les articulations, les subtilités, mais la première se contente de jouer les viragos et le second (confronté, on le sait, à une tessiture impossible) reste emprunté. On sera moins indulgent encore à l’égard de Danielle de Niese, dont le soutien apparaît de plus en plus précaire et qui multiplie les minauderies vocales, ainsi que de Mika Kares, dont l’émission nasale et droite, souvent trop haute (il transpose d’ailleurs le grave de « Cade il mondo ») ne saurait triompher du redoutable rôle de Claude. Oublions un Lesbo médiocre, un Narcisse mollasson et même un Pallas sexy, timbré, mais hors style : triomphe alors l’Othon trop mince et nerveux mais éloquent, émouvant de Filippo Mineccia. Cela dit, n’est-ce pas toujours Othon qui se sort le mieux de la partition-piège d’Agrippina ? Partition-piège mais livret-cadeau, dont Carsen aurait pu tirer davantage que cette pantalonnade (au sens propre : les messieurs y ont toujours le pantalon aux chevilles). L’opéra a été transposé dans un univers néo-mussolinien mais contemporain, high tech (écrans omniprésents), et un espace alla De Chirico trop souvent vus - ce qui ne lui apporte rien, si ce n’est, parfois, une réelle grandeur scénique : les décors coulissants (Gideon Davey) et les lumières (Peter van Praet) sont magnifiquement gérés lors de l’arrivée de Claude, par exemple. La direction d’acteurs, souvent le talon d’Achille de Carsen, s’avère ici travaillée (les mouvements de groupe) mais peu imaginative et désesespérément vulgaire lors des premières scènes. Si l’on apprécie l’esthétique de sitcom, on pourra prendre quelque plaisir à l’Acte II, tandis que l’indispensable transgression aura lieu durant le choeur final (attention, spoiler : Néron y fait tuer tout le monde). Quelques coupures à déplorer : trois airs brefs, dont le célèbre « Ho un non so che nel cor » venu de La resurrezione. Côté DVD, on restera fidèle, pour l’instant, à la probe mais sage version Malgoire/Fisbach.

Olivier Rouvière