Boston Early Music Festival, dir. Paul O’Dette et Stephen Stubbs.
CPO 777 876-2 (1 CD). 2013. 1h20. Notice en français. Distr. DistrArt Musique.

 

Voici la troisième version de La Descente d’Orphée aux Enfers à nous parvenir en moins d’un an ! Les « précédentes » (voir nos comptes rendus ici et ici) avaient en fait été enregistrées trois ans après celle-ci, en 2017. L’éditeur CPO a peut-être craint la concurrence ou une saturation du marché… Pourtant, les Bostoniens ne déméritent guère face à leurs concurrents européens. Ils proposent tout d’abord le plus alléchant complément de programme : cette Couronne de Fleurs enfin complète, dont Gaétan Jarry n’offrait récemment (cf notre compte rendu) que de brefs extraits. Certes, l’œuvre n’est pas immortelle et cette pastorale de 1685 (refonte de l’Églogue en musique ayant servi de prologue au Malade imaginaire de Molière en 1672) a bien quelque chose de languissant. Mais l’on est justement heureux de retrouver ici les passages « dramatiques » venant relever cette succession de chants de louanges adressés par divers bergers à « Louis » (XIV) - dont le beau récit de Florestan et l’entrée de Pan. Tout le début de la pastorale est cependant mieux servi chez Jarry, qui a pour lui des effectifs instrumentaux plus conséquents, plus assurés et, surtout, une battue plus souple et raffinée. Ce problème d’agogique se retrouve au fil du disque CPO, dirigé de façon trop « carrée » par Paul O’Dette et Stephen Stubbs (la guitare de ce dernier apparaissant d’ailleurs fatigante, à la longue) : on en trouvera d’autres exemples dans Orphée, lors du duo des nymphes, trop peu sensuel, ou du premier air du protagoniste aux enfers, trop peu cantabile. Mais cette battue franche aura ses adeptes et trouve ses meilleurs moments lorsque l’« action » s’engage : juste après la mort d’Eurydice, notamment, lorsque son époux entonne un magnifique « Ah ! Bergers, c’en est fait… ». Il faut dire qu’Aaron Sheehan campe, pour nous, le plus bouleversant des Orphée parus au disque : sans posséder le mâle timbre de son rival Cyril Auvity, il multiplie les couleurs, demi-teintes en voix mixte, inflexions, phrasés, et trouve toujours le plus subtil chemin vers l’émotion. Son léger accent anglo-saxon participe de son charme, et il en va de même de la soprano Teresa Wakim (Flore rayonnante) ou des basses Jesse Blumberg (chaleureux Apollon) et Douglas William (imposant Pluton). D’autres solistes - comme la soprano Amanda Forsythe, Rosélie à l’émission trop ouverte, ou le ténor Jason McStoots, Florestan trop pointu - maîtrisent moins bien notre langue, et les chœurs criaillent parfois. L’absence de chanteurs véritablement francophones pénalisera donc peut-être un album généreux (une heure vingt de musique !), qui n’en constitue pas moins un bel apport à la discographie de Charpentier.

Olivier Rouvière