Cyril Auvity (Orphée), Céline Scheen (Eurydice), Étienne Bazola (Pluton), Floriane Hasler (Proserpine), Maïlys de Villoutreys (Daphné), Virgile Ancely (Apollon et Titye), Jeanne Crousaud (Œnone), Dagmar Saskova (Aréthuze), Kevin Skelton (Ixion), Guillaume Gutierrez (Tantale), François-Nicolas Geslot (haute-contre), David Witczak (basse). Ensemble Desmarest, dir. Ronan Khalil.
Glossa GCD 923602 (1 CD). 2017. 61’ Notice en français. Distr. Harmonia Mundi.

 

Enregistrée à peine quelques mois après la version de l’Ensemble Correspondance de Sébastien Daucé (cf. notre compte rendu), celle-ci semble en prendre le contrepied. L’intéressante notice de Marc Trautmann annonce la couleur, en paraissant accréditer la thèse selon laquelle cette Descente d’Orphée aux Enfers (1687) nous serait parvenue incomplète et aurait été, à l’origine, un « véritable opéra » en trois actes. Et c’est bien ainsi que veut la voir le continuiste Ronan Khalil, qui veille à théâtraliser le propos autant qu’il est possible, préférant le grand geste à la litote, les couleurs tranchées au camaïeu : élégamment négociés, les changements de mesure n’en sont pas moins appuyés (au prix d’un certain didactisme, surtout au début de la seconde partie) ; le continuo, au début presque entièrement en cordes pincées (avec un clavecin à la bizarre sonorité de virginal) prend la grosse voix de l’orgue pour annoncer la mort d’Eurydice ; les appuis, d’abord dansants et ludiques, durant les scènes pastorales, se font pesants et chargés de silences signifiants aux Enfers. Si le procédé séduit d’abord, secouant cette chape de préciosité qui colle trop souvent à l’écriture de Charpentier, il finit par paraître mal proportionné à l’œuvre, dont il souligne le caractère kaléidoscopique et fragmentaire. En outre, il conduit à quelques dérapages mal contrôlés (« Entrée de Nymphes et de Bergers désespérés »), qu’aggrave l’emploi des percussions. Si, chez Daucé, Robert Getchell décevait par sa fadeur, l’Orphée de Cyril Auvity accuse le défaut inverse : le timbre est mâle et charnu, mais l’expressionnisme du chant, au disque, passe mal, avec des sons très ouverts et « en arrière » (dans « Malgré toi, le tombeau… », ou encore « Rends-moi, Dieu des Enfers… »), qui frôlent la caricature. En revanche, l’Eurydice corsée et intense de Céline Scheen impose son personnage en quelques répliques et les ensembles vocaux (malgré l’émission un peu couverte de Maïlys de Villoutreys) sont bien caractérisés. Une tentative de relecture ne manquant pas de personnalité mais pas totalement aboutie…


Olivier Rouvière.