Kristiane Kaiser (Catharina), Daniel Kirch (Marco Venero), Mauro Peter (Jakob von Lusignan), Simon Pauly (Andrea Cornaro), Christian Tschebeliew (Onofrio), Chœur et Orchestre de la Radio de Munich, dir. Ralf Weikert (Munich 2012).
CPO 777812-2 (2 CD). Distr. Distrart Musique.

Quelle renaissance pour la belle vénitienne sacrifiée sur l’autel de la politique ! Hier Véronique Gens ressuscitait avec brio celle d’Halévy, héroïne de sa Reine de Chypre, aujourd’hui Kristiane Kaiser donne toute ses chances à celle qu’imagina Franz Lachner trois années avant Gaetano Donizetti.

Parvient-elle vraiment à imposer le personnage sacrificiel campé par le compositeur bavarois ? Oui, surtout si l’on songe qu’elle remplaçait au débotté Michaela Kaune, initialement pressentie ; voix altière, mots certes un peu froids, beaucoup de style et Lachner en réclame : celui qui collabora avec Cherubini sait ce que théâtre signifie, il écrit dramatique à souhait et ne ménage guère ses chanteurs.

Les finales spectaculaires disent assez qu’il vise plutôt Paris que l’Italie, mais le sujet lui ayant été « volé » par Halévy, sa Catharina restera en Allemagne, connaissant une fortune modeste, injustice que répare à propos cette captation de la résurrection munichoise du 14 octobre 2012.

Magnifique, le Lusignan de Mauro Peter commanderait pour lui seul de connaître l’enregistrement s’il n’avait si peu à chanter, hélas ! et Daniel Kirsch saisit la vocalité si singulière de Marco Venero qui hésite entre Mozart et Weber, double troublant parfois du Lohengrin wagnérien. Malgré ses facilités - écriture vocale convenue, tableaux pseudo pittoresques où l’orchestre ne brille guère par son invention (la battue sans imagination de Ralf Weikert y est peut-être pour quelque chose) - l’ouvrage s’écoute sans lasser, et plaide pour une réévaluation du catalogue lyrique restreint d’un auteur qui se voua d’abord au concert et à la chambre. Wagner l’aurait-il étrillé en pure perte ? Qui sait, demain CPO nous offrira peut-être son autre opéra « italien », Benvenuto Cellini.

Jean-Charles Hoffelé