Josef Köstlinger (Tamino), Irma Urrila (Pamina), Hakan Hagegard (Papageno), Elisabeth Erikson (Papagena), Ulrik Cold (Sarastro), Birgit Nordin (la Reine de la nuit), Ragnar Ulfung (Monostatos), Erik Saeden (l’Orateur), Orchestre symphonique de la Radio suédoise, dir. Eric Ericson, mise en scène : Ingmar Bergman (1975).
DVD BFI B1299. Notice en anglais. Chanté en suédois. Sous-titrages : anglais. Bonus : Papageno (Lotte Reiniger, 1935), In Mozart’s Footsteps (Lady Dunn, 1938), On Such a Night (Anthony Asquith, 1955). Distr. BFI.


Née en 1976 dans la foulée de cette Flûte enchantée bergmanienne, L’Avant-Scène Opéra ne pouvait manquer de lui réserver une place à part : ce fut le cas dès son n° 1, consacré justement au singspiel de Mozart, et jusqu’à la dernière édition en date de ce volume (n° 196) où un article de Jean-Michel Brèque analyse les vertus singulières de cette proposition cinématographique. Il ne s’agira donc pas tant ici d’y revenir en détail que de signaler comme exceptionnelle cette nouvelle édition DVD et Blu-ray due au British Film Institute (BFI) National Archive, pour l’instant hélas seulement distribuée en Grande-Bretagne, qui apporte sa pierre à l’édifice des célébrations du centenaire du réalisateur (1918-2007).

Longtemps Bergman avait « rêvé » sa Flûte : il l’avait découverte à Drottningholm à l’âge de douze ans et voulut d’abord la monter avec le théâtre de marionnettes créé avec sa sœur (une idée qu’il utiliserait finalement dans L’Heure du loup) ; bien plus tard (au milieu des années soixante), il fut pressenti pour une mise en scène à l’Opéra de Hambourg, qui ne se fit pas. Logique ou paradoxe, cette longue gestation mène à une lecture au charme fou, où l’enfance a toute sa part et où domine l’esprit populaire du singspiel, bien loin de la gravité insondable et terrifiante du cinéma bergmanien (laquelle surgit pourtant, parfois, fulgurante et silencieuse, au détour d’un gros plan scrutant le visage-page blanche de Pamina, qui semble alors tout droit sortie de Persona). Malgré une Reine bien stridente et un Sarastro un peu léger, et nonobstant quelques coupures et interpolations, tout séduit et entraîne : un théâtre entre artisanat (Drottningholm, justement – ou plutôt sa réplique reconstituée en studio –, son dragon de carton-pâte et ses toiles peintes) et magie (l’envolée de la flûte, ou la photo « vivante » de Pamina – bien avant Harry Potter !), un immédiat naturel (des chanteurs-acteurs jeunes et frais, qui chantent et dialoguent dans leur langue), une réalisation joueuse qui sollicite autant les visages du public que les regards-caméra des interprètes, les coulisses de la « représentation » filmée (où Sarastro travaille Parsifal pendant l’entracte !) ou la fiction immersive. Résultat ? Un classique du film-opéra… qui n’en est pas un, puisqu’il fut destiné originellement à la télévision suédoise.

Soulignons la passionnante notice de Sameer Rahim qui établit des parallèles entre les thèmes à l’œuvre dans la Flûte et la filmographie de Bergman, ainsi que les trois bonus remarquablement contextualisés. Les amoureux de Michel Ocelot ne manqueront pas le Papageno de Lotte Reiniger (1935), animation en silhouettes découpées volubiles et délicates. Les historiens verront d’un œil sidéré In Mozart’s Footsteps, « reportage culturel » de Lady Dunn (épouse d’un riche industriel canadien) dans le Salzbourg de l’après-Anschluss (1938), où les drapeaux nazis claquent au vent avec la même souriante énergie qu’affichent, devant la caméra, les porteurs de dirndl et de lederhosen. Mais surtout – et ce bonus vaudrait à lui seul l’acquisition du DVD – les amateurs d’opéras découvriront On Such A Night, docu-fiction d’Anthony Asquith (1955) dans lequel un Candide américain découvre par hasard la société mystérieuse de Glyndebourne. À la clé ? Rien moins que de longs fragments (en couleur pimpantes) des Noces de Figaro avec Sesto Bruscantini ou Sena Jurinac, Carl Ebert faisant répéter la « Canzonetta sull’aria, », ou, plus légèrement, Vittorio Gui encourageant ses musiciens à marquer des points au croquet pendant l’entracte. Tout cela parfaitement calculé, bien sûr, pour la caméra très professionnelle d’Asquith, qui signe là autant un film de commande (destiné à promouvoir le Festival auprès du public nord-américain) qu’une petite fiction charmante, avec humour et romance en arrière-plan. À déguster sans modération.

C.C.

A lire : notre édition de La Flûte enchantée / L’Avant-Scène Opéra, n° 196