Valentina Farcas (Rautendelein), Angelo Villari (Enrico), Maria Luigia Borsi (Magda), Thomas Gazheli (l’Ondin), Agostina Smimmero (la Vielle Sorcière), Chœur et Orchestre du Teatro lirico di Cagliari, dir. Donato Renzetti, mise en scène : Pier Francesco Maestrini (Cagliari, 30 mars-1er avril 2016).
DVD Naxos 2110571. Distribution Outhere.

La comédie amère de Hauptmann, avec ses arrière-plans fantastiques, son peuple d’elfes, d’ondines, de faunes et de sorcières, inspira à Respighi son plus bel opéra. Orchestré avec autant de luxe que d’imagination, écrit pour des voix virtuoses – la partie de Rautendelein veut un soprano à l’aigu ductile, à la vocalise déliée –, il connut un franc succès de l’autre côté du Rhin où il fut créé, à Hambourg, le 12 novembre 1927, dans sa traduction allemande. Dans la foulée, l’Opéra de New York y afficha Rethberg, Martinelli, Pinza, emmenés par Tullio Serafin. Quasiment un siècle plus tard, la production de Cagliari, filmée ici lors de sa création in loco, aura enchanté le public du New York City Opera.

Il faut avouer que la régie sans complication de Pier Francesco Maestrini rend justice à cette fable de l’art trahi et de l’amour impossible ; plus encore, les décors, les éclairages, la scénographie font un spectacle merveilleusement poétique, écho visuel aux somptueuses musiques impressionnistes qui émaillent cette partition mystérieuse et fantasque, d’ailleurs peu illustrée par le disque (trois versions au total : malgré le soin apporté par l’équipe montpelliéraine dont l’enregistrement est le plus récent, je garde une tendresse particulière pour celui de la RAI où Bruno Bartoletti dirigeait la Rautendelein de Slaska Taskova…).

Outre la beauté de son spectacle, la nouvelle venue les surclasse aussi musicalement, de l’Ondine consolatrice et charmeuse de Valentina Farcas à l’Enrico d’Angelo Villari dont le timbre lyrique et le vibrato serré illustrent une certaine école de chant italien qu’on croyait disparue chez les ténors depuis Giuseppe Campora, en passant par l’Ondin tragique de Thomas Gazheli. On pardonnera la Magda trop vériste de Maria Luigia Borsi en rappelant que la vocalité décadente employée par Respighi tout au long de son opéra se sépare sciemment des effets chers à Mascagni, pour mieux se replonger dans ce conte fantasque où le merveilleux s’approche d’un certain expressionisme.

J.-C.H.